Notes d’allocution pour Evan Siddall, Président et premier dirigeant de la Société canadienne d’hypothèques et de logement
Conférence du Global Risk Institute
Club Saint-James
Montréal (Québec)
Seul le texte prononcé fait foi
J’aimerais vous parler de la façon dont nous gérons les risques liés à l’habitation au Canada pour favoriser la stabilité financière. La crise économique a servi une dure leçon sur la gestion des risques et de nombreuses économies en paient encore le prix.
Comparé à beaucoup d’autres pays, le Canada a bien résisté à la crise financière de 2008. Nous devons toutefois penser à l’avenir, à la prochaine tourmente économique, pour que notre système financier de l’habitation soit souple et résilient.
La discussion d’aujourd’hui tombe à point. La SCHL réévalue son rôle dans les marchés financiers et de l’habitation et souhaite faire partie d’un système encore plus résilient.
J’aimerais commencer en m’appuyant sur une prémisse fondamentale : une des raisons d’être de la participation du gouvernement au système de financement de l’habitation tient au fait que celui-ci assume de façon inhérente le risque extrême. Comme nous ne voudrions jamais renflouer les banques avec l’argent des contribuables, les gouvernements cherchent continuellement à aider les propriétaires en cas de crise généralisée dans le secteur de l’habitation.
À titre de société d’État, la SCHL – l’organisme national responsable de l’habitation au Canada – contribue à la stabilité du système financier en offrant de l’assurance prêt hypothécaire aux prêteurs et en cautionnant le paiement périodique du capital et des intérêts sur les TH LNH et les OHC.
Ces deux activités représentent un risque important. En procurant une couverture à la SCHL, le gouvernement du Canada a assumé explicitement les risques extrêmes connexes.
En contrepartie, le gouvernement édicte les règles et est compensé pour le risque couru par des bénéfices qui ont été, dans le cas de la SCHL, de l’ordre de 18 milliards de dollars au cours de la dernière décennie.
En tant qu’entité gouvernementale, nous devons avoir une approche différente de la gestion des risques. Implicitement, notre travail consiste à éviter les renflouements. Les prêteurs nous versent une prime pour les couvrir si les choses tournent mal.
Donc, nous avons l’obligation explicite de gérer les risques extrêmes et de survivre puisque, pour nous, l’insolvabilité n’est pas vraiment une option.
On a beaucoup étudié la façon dont les sociétés pourraient mieux gérer les risques commerciaux; mais selon moi, on ne s’est pas intéressé suffisamment à la gestion des risques extrêmes par le gouvernement.
Nous ne pouvons pas ignorer les scénarios de catastrophe, ce que le secteur privé peut faire implicitement en souscrivant de l’assurance, en demandant la protection contre les créanciers ou en bénéficiant de renflouements.
La SCHL est tenue de conseiller le gouvernement sur les améliorations potentielles du système de logement. Cette responsabilité est déterminante dans la mission de la SCHL et dans son rôle de gestionnaire de risques, et elle s’inscrit dans sa vision d’un système de logement de classe mondiale pour le Canada.
De ce risque, une part de quelque 550 milliards de dollars repose sur les épaules de la SCHL sous forme d’assurance prêt hypothécaire. À celle-ci s’ajoute une autre part de plus de 160 milliards qui est assumée indirectement par le gouvernement par l’entremise de la couverture de 90 % de l’assurance prêt hypothécaire procurée par nos concurrents du secteur privé, Genworth et Canada Guaranty.
Les lignes directrices B20 et B21, que la SCHL appuie et adopte, ont permis d’atténuer une partie du risque moral implicite du mécanisme d’assurance prêt hypothécaire.
Notre tâche est de définir pour la SCHL une stratégie qui préserve son rôle de régulateur en cas de crise, tout en limitant sa présence sur le marché afin de ne pas fausser les prix pour les consommateurs.
Plus tôt cette année, nous avons évalué nos programmes d’assurance prêt hypothécaire en tenant compte de notre mission qui est de répondre aux besoins des Canadiens en matière de logement. Il s’agit ici de combler leurs besoins et non de répondre à leurs souhaits, ce que fait très bien le secteur privé.
À la suite de ces changements, entre autres, notre encours d’assurance a commencé à décliner.
En tant que conseiller du gouvernement, nous évaluons actuellement plusieurs améliorations possibles à notre système de financement de l’habitation, par exemple : le partage des risques avec les prêteurs pour faire face au risque moral, des changements à notre environnement immédiat en cas d’instabilité des marchés de l’habitation, une hausse du capital requis. Je reviendrai sur la question du capital dans un instant.
L’économiste Hyman Minsky nous met en garde contre les risques de semer les graines de la prochaine crise en écumant jusqu’à la dernière solution. Il parlait alors de la façon dont les mécanismes de stabilisation peuvent réduire notre perception du risque.
L’analogie est imparfaite, mais je la cite pour que ceux d’entre vous qui appartiennent au milieu bancaire évitent de conclure trop rapidement que nous ne sommes pas conscients des conséquences de nos actes.
La responsabilité de la SCHL consiste à favoriser une stabilité financière durable et non à la mettre en péril. Nous nous sommes engagés dans cette voie et nous souhaitons consulter le secteur privé pendant que nous explorons de nouvelles idées.
En tant que gestionnaire de risques, je tiens à vous expliquer pourquoi nous ne sommes pas trop inquiets face à une bulle immobilière à ce moment-ci en nous basant sur ce que nous savons. Je répète : « en nous basant sur ce que nous savons ». C’est un élément important sur lequel je reviendrai dans quelques instants.
La SCHL compte sur les plus grands spécialistes de l’habitation et le meilleur éventail de savoir-faire et de produits d’information au Canada. Nous avons conçu un outil qui prend ses racines dans la littérature économique et qui a été rigoureusement testé. Nous l’appelons : cadre d’analyse et d’évaluation des prix des logements ou AEPL. Cet outil nous permet d’évaluer les multiples sources de données qui, encore une fois selon notre expérience, pourraient pointer vers une bulle immobilière.
Cette démarche basée sur plusieurs sources est plus rigoureuse que le recours aux simples et populaires graphiques à deux variables qui simplifient toujours à outrance la dynamique de marché.
L’AEPL examine plusieurs facteurs de risque associés à des conditions problématiques, à savoir :
1) la surchauffe de la demande;
2) l’accélération des prix des logements;
3) la surévaluation des prix des logements; et
4) la construction excessive.