La croissance des loyers a ralenti dans la plupart des grands marchés du Canada
À l'échelle nationale, la conjoncture du marché locatif est devenue plus uniforme en 2024 par rapport à l'an dernier. Même s'il y a encore quelques exceptions, la croissance des loyers a ralenti dans la majorité des régions métropolitaines de recensement (RMR).
- Toronto a enregistré la plus faible croissance des loyers parmi les grandes RMR. Les taux d'inoccupation y ont augmenté et le taux de roulement, encore en baisse en 2024, y a été faible. Pour les logements occupés dont les loyers sont contrôlés, les propriétaires étaient limités dans leur capacité d'accroître les loyers au-delà du taux légal dans la province. En outre, l'offre d'appartements en copropriété à louer a connu une hausse sans précédent. Les propriétaires de logements destinés à la location se sont donc efforcés en priorité de conserver leurs locataires en augmentant les loyers avec prudence.
- À Vancouver et à Montréal, le marché locatif a été plus serré qu'à Toronto et le taux de roulement a légèrement augmenté. La croissance des loyers n'a donc pas ralenti autant qu'à Toronto.
- Les RMR d'Ottawa et d'Edmonton ont fait exception à la tendance : la croissance globale du loyer moyen s'y est légèrement accélérée. En 2023, les hausses de loyer dans ces régions ont été inférieures à leurs moyennes provinciales respectives. En 2024 cependant, la demande accrue de logements locatifs a permis de redresser les loyers dans ces deux RMR. Les rajustements de loyers ont été plutôt modestes pour les locataires existants, tandis que les hausses ont été plus importantes pour les nouveaux locataires.
- La croissance des loyers à Calgary a ralenti en 2024. Elle a tout de même nettement dépassé celle de tous les autres grands centres urbains, car la demande de logements locatifs est demeurée vive dans cette RMR. Les fortes hausses de loyer ont été alimentées par le renouvellement du parc locatif ces dernières années. En effet, la proportion de logements récents s'est accrue, et ces unités font concurrence aux logements pour propriétaires-occupants et aux logements du marché locatif secondaire. En outre, les propriétaires-bailleurs avaient plus de souplesse pour majorer les loyers des locataires existants, car ils n'étaient soumis à aucun contrôle des loyers dans cette RMR.
Figure 1 : La croissance des loyers a ralenti dans la plupart des grands marchés locatifs du Canada*
* Variation en pourcentage du loyer moyen des appartements de 2 chambres destinés à la location selon un échantillon fixe.
** « Canada » comprend tous les centres urbains d'au moins 10 000 habitants.
Source : SCHL
Au Canada, les nouveaux locataires ont continué de subir d'importantes hausses de loyer. En effet, les loyers des logements qui ont changé de locataires ont augmenté de 23,5 %, un taux semblable à celui de 2023. Seulement 1 logement sur 8 a connu un roulement de locataires, mais ces logements sont à l'origine de plus de 40 % de la hausse globale des loyers (Canada, tableaux 6.0 et 6.1).
- Parmi les grandes RMR, c'est à Toronto, Vancouver et Halifax que les loyers des logements avec roulement de locataires ont le plus augmenté. Dans ces marchés où les loyers sont contrôlés, le taux de roulement des locataires demeurait faible. Ainsi, lorsque des logements se sont libérés, les propriétaires ont pu en profiter pour hausser les loyers aux niveaux actuels du marché. Ces loyers accrus font qu'il a été plus difficile pour les nouveaux locataires d'entrer sur le marché et ils ont limité davantage la mobilité des locataires existants.
Région métropolitaine de recensement | Variation globale du loyer moyen (2 chambres) | Taux de roulement des locataires en 2024 (tous les logements destinés à la location) | Variation du loyer moyen des logements avec roulement de locataires à la signature des nouveaux baux (2 chambres) | Contribution en pourcentage des logements avec roulement de locataires à la variation globale du loyer moyen (2 chambres) | Indicateur de taux légal d'augmentation des loyers dans la province |
---|---|---|---|---|---|
Canada | 5,4 % (a) | 12,5 % (a) | 23,5 % (a) | 2,2 % (a) | S. O. |
Vancouver | 5,5 % (b) | 9,1 % (a) | 26,5 % (d) | 2,0 % (a) | Oui |
Edmonton | 7,0 % (a) | 26,5 % (a) | 10,9 % (a) | 2,5 % (a) | Non |
Calgary | 8,9 % (a) | 23,6 % (a) | 18,7 % (d) | 3,7 % (a) | Non |
Toronto | 2,7 % (a) | 6,4 % (a) | 40,7 % (a) | 1,9 % (a) | Oui |
Ottawa | 5,0 % (b) | 14,5 % (a) | 23,8 % (a) | 2,9 % (a) | Oui |
Montréal | 6,3 % (b) | 11,1 % (a) | 18,7 % (a) | 2,0 % (a) | Oui |
Halifax | 3,8 % (c) | 10,0 % (a) | 28,3 % (d) | 2,4 % (a) | Oui |
* Les codes suivants sont utilisés pour indiquer le degré de fiabilité des estimations : (a) – Excellent (b) – Très bon (c) – Bon (d) – Faible (à utiliser avec prudence)
Source : SCHL
La demande de logements locatifs reste forte mais des signes de faiblesse ont émergé
La demande a augmenté sur le marché locatif en 2024, comme en témoigne la hausse du nombre de logements occupés. Voici certains des principaux facteurs ayant joué sur la demande.
Migration : La croissance démographique demeure un important moteur de la demande de logements locatifs. Au 1er juillet 2024, la migration internationale atteignait un sommet record de près de 1,2 million de personnes pour les 12 mois précédents. Cependant, les choses ont changé à la fin de 2024 avec l'introduction d'un plafond sur le nombre d'étudiants étrangers admis et la modification de leur répartition provinciale. Moins d'étudiants étrangers ont été admis cette année que l'an dernier. Les deux provinces les plus touchées par ces mesures sont l'Ontario et la Colombie-Britannique. Selon nos renseignements locaux, les propriétaires dans ces provinces ont eu plus de mal cet automne à louer leurs logements vacants à proximité des établissements d'enseignement postsecondaire.
Marché du travail : Les conditions d'emploi se sont affaiblies dans la plupart des marchés. Ce changement a surtout touché les jeunes locataires de 15 à 24 ans, qui ont eu plus de difficulté à former leur propre ménage. Les 25 à 44 ans ont aussi vu leur taux d'emploi diminuer légèrement. En revanche, étant donné l'accélération de la croissance de la population active, le nombre de personnes occupant un emploi dans ce groupe d'âge a beaucoup augmenté. Ce facteur a contribué à la forte demande de logements locatifs. Selon les résultats du dernier recensement, de 40 à 50 % des ménages de ce groupe d'âge étaient locataires dans les grandes RMR.
Accession à la propriété : Les prix des logements d'entrée de gamme ont diminué récemment surtout dans les marchés où les prix sont élevés comme Toronto et Vancouver. Les taux hypothécaires aussi ont diminué. Malgré ces changements, la location est demeurée l'option la plus abordable. En effet, les locataires ont eu du mal à accéder à la propriété en raison de la pression supplémentaire exercée par la hausse des coûts non liés au logement. Cette hausse des coûts fait qu'il est plus difficile d'épargner en vue d'une mise de fonds et d'être admissible à un prêt hypothécaire. C'est pourquoi de nombreuses personnes ont choisi de rester locataires.
- Dans les RMR comme Calgary et Edmonton, où l'accession à la propriété était plus abordable qu'ailleurs, le mouvement des locataires vers le marché de la propriété était visible. En effet, le taux de roulement était élevé et les taux d'inoccupation ont augmenté dans ces centres.
- Dans les RMR où les prix sont chers, comme Toronto et Vancouver, les taux d'inoccupation sont demeurés bas en raison de l'offre limitée de logements pour les accédants à la propriété potentiels.
L'offre accrue de logements destinés à la location vient grandement soulager la tension sur les marchés
La demande est restée élevée mais l'offre a été encore plus forte, car elle a augmenté à un rythme inégalé en plus de 30 ans. Il en est résulté une hausse des taux d'inoccupation et un ralentissement de la croissance des loyers dans de nombreux centres urbains (Canada, tableau 1.0).
- Calgary et Edmonton ont connu la plus forte hausse des achèvements de logements locatifs et donc les taux d'inoccupation les plus élevés parmi les grandes RMR (figure 2). Bon nombre de ces logements ont été achevés au deuxième semestre, de sorte que certains sont encore à l'étape de la location. Le ralentissement de l'écoulement des logements neufs a aussi contribué à la hausse des taux d'inoccupation.
- À Montréal, les achèvements d'appartements locatifs avaient rarement été aussi élevés. Ils ont dépassé ceux de toutes les autres RMR malgré une baisse par rapport aux niveaux records atteints en 2023. La vigueur de la demande s'est maintenue à Montréal, car une grande part de la population – la plus élevée parmi les grands centres urbains – vit dans des appartements locatifs. Cependant, selon les renseignements obtenus sur le marché, il faut plus de temps qu'avant pour louer les logements neufs, ce qui laisse entrevoir un certain ralentissement de la demande. Ce facteur, conjugué à la forte croissance de l'offre, a fait monter le taux d'inoccupation des logements locatifs.
- De même, à Ottawa, le nombre record d'achèvements d'appartements locatifs a fait augmenter le taux d'inoccupation. Les données du recensement montrent que par rapport aux autres grands centres urbains, une proportion plus élevée de locataires à Ottawa vivent dans des logements de faible hauteur sur le marché secondaire (maisons individuelles, jumelés ou maisons en rangée). Le nombre d'achèvements de logements dans des immeubles de faible hauteur a diminué en 2024, ce qui a stimulé la demande d'appartements destinés à la location. Cependant, l'offre dans ce segment a augmenté encore plus que la demande.
Figure 2 : Les achèvements d'appartements destinés à la location surpassent de loin les moyennes historiques
* Selon la période de 12 mois précédant le 30 juin de l'année de référence de l'enquête.
Source : SCHL
La forte hausse des achèvements d'appartements en copropriété a contribué à la croissance de l'offre de logements locatifs
L'offre de logements locatifs a aussi augmenté grâce à la forte hausse du nombre d'appartements3 en copropriété achevés qui ont ensuite été loués. Ces unités neuves, dotées de finitions et de commodités modernes, ont attiré des locataires et fait croître les taux d'inoccupation sur le marché locatif traditionnel. Cette tendance était particulièrement évidente dans le cas des logements récemment construits pour la location dont les loyers sont élevés. Selon nos renseignements sur le marché local, les propriétaires de ces logements ont dû offrir des incitatifs pour demeurer concurrentiels.
- À Toronto, les achèvements d'appartements en copropriété ont atteint de nouveaux sommets. Bon nombre de ces logements ont été achetés par des investisseurs il y a quelques années, à l'étape de la vente sur plan. Ainsi, la proportion d'appartements en copropriété offerts en location est montée à 41 %, la plus élevée parmi toutes les RMR. Malgré les flux de trésorerie négatifs et les intentions de vendre les unités après leur achèvement, les investisseurs ont plutôt choisi de louer ces appartements en raison de l'offre excédentaire sur le marché de la revente. Le nombre d'unités à louer a donc augmenté mais l'afflux de locataires a maintenu les taux d'inoccupation des appartements en copropriété à des niveaux bas et stables.
- Par comparaison, la part de logements locatifs a augmenté un peu plus modérément à Vancouver. Dans cette RMR, une proportion accrue des appartements étaient occupés par leur propriétaire et la part d'investisseurs a diminué. Le marché de la revente y est plus équilibré qu'à Toronto, ce qui a permis à un plus grand nombre d'investisseurs de vendre leurs logements à l'achèvement. Il en est résulté une baisse du nombre de logements qui sont entrés sur le marché locatif.
- La part des logements offerts en location a diminué à Calgary et à Edmonton, car les investisseurs ont vendu des unités pour profiter de la forte demande du marché. Les acheteurs à la recherche d'options abordables et les migrants intraprovinciaux ont stimulé la demande de copropriétés. Ces facteurs se sont traduits par des hausses de prix et des conditions de vente favorables.
L'abordabilité ne s'est pas encore améliorée
L'offre de logements locatifs a augmenté à un rythme record en 2024 grâce aux achèvements. Leurs loyers étant chers, ces logements neufs étaient inabordables pour de nombreux locataires et convenaient surtout aux ménages à revenu élevé. En raison de l'effet de filtrage (PDF) , ces logements continueront cependant de jouer un rôle essentiel dans l'amélioration de l'abordabilité globale au fil du temps.
Malgré le ralentissement de la croissance des loyers en 2024, l'abordabilité ne s'est pas améliorée. La hausse des loyers a légèrement dépassé celle des salaires chez les 25 à 44 ans, le plus important groupe de locataires. Les taux de loyers en retard ont quelque peu diminué (Canada, tableau 5.0) mais sont demeurés nettement plus élevés que les taux de prêts hypothécaires en souffrance. C'est signe qu'il est plus difficile pour les locataires que pour les propriétaires de composer avec le stress financier.
Les taux de loyers en souffrance étaient les plus élevés en Ontario où les problèmes d'abordabilité persistent. Selon des exploitants de logements locatifs dans cette province, un retard dans le traitement des demandes à la Commission de la location immobilière a contribué à maintenir les loyers en souffrance pour de nombreux logements.
Les données cette année montrent qu'à elle seule, l'augmentation de l'offre ne suffit pas à résoudre les problèmes immédiats d'abordabilité. Nos conclusions font ressortir la nécessité d'adopter des politiques qui réduisent à la fois les contraintes liées à l'offre et les problèmes d'abordabilité pour les locataires à revenu faible ou moyen.
Notes de bas de page
- Immeubles d'appartements locatifs d'initiative privée de 3 logements ou plus.
- Variation en pourcentage du loyer moyen calculé à partir d'un échantillon fixe.
- L'Enquête sur les appartements en copropriété (EAC) porte sur les logements autonomes dans les immeubles d'appartements en copropriété. Elle dénombre tous les appartements en copropriété dans des immeubles d'au moins 3 unités, sauf à Montréal, où l'enquête porte sur un échantillon d'immeubles.