Le chef de l'organisme de réglementation bancaire du Canada a récemment déclaré qu'il était « agréablement surpris de voir comment les gens au Canada arrivaient à bien « gérer l'augmentation des paiements hypothécaires » (article en anglais seulement). D'autres intervenants du secteur financier, qui remarquent aussi la résilience des propriétaires d'habitations au Canada, abondent dans le même sens.
Les propriétaires devront tenir bon au cours des 24 prochains mois environ, car l'effet des taux d'intérêt accrus, ainsi que l'incertitude économique, continuera de se faire sentir au moment du renouvellement de leurs prêts hypothécaires.
Pour l'ensemble des produits de crédit, les taux de délinquance sont moins élevés pour les propriétaires que pour les locataires. Même si le taux de délinquance hypothécaire demeure faible selon les normes historiques, il a commencé à augmenter.
Selon une analyse récente de la SCHL, il est probable que les arriérés hypothécaires (consulter le glossaire pour voir les définitions) augmentent encore au cours des 6 à 12 prochains mois. Les villes de Toronto et de Vancouver devraient connaître les plus fortes hausses. Dans ces deux villes, les taux de prêts hypothécaires en souffrance pourraient toucher des niveaux semblables à ceux des années 2010 à 2015.
À l'aide des données d'Equifax, notre équipe a évalué les meilleurs indicateurs des prêts hypothécaires en souffrance dans 9 grands marchés canadiens : Halifax, Montréal, Ottawa, Toronto, Winnipeg, Saskatoon, Calgary, Edmonton et Vancouver.
Deux principales constatations sont ressorties de cette analyse.
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La santé des marchés de la revente est un facteur très important pour la prédiction des arriérés hypothécaires
Lorsque les ventes ralentissent, signe d'un essoufflement du marché, les propriétaires ayant du mal à faire leurs paiements hypothécaires ont moins de possibilités de vendre pour éviter d'accuser des retards. Le rapport ventes-nouvelles inscriptions est un indicateur important des arriérés hypothécaires. En effet, on observe habituellement une baisse de ce rapport entre 6 et 12 mois avant une augmentation des prêts hypothécaires en souffrance.
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Les comptes en souffrance pour les produits de crédit non hypothécaires, comme les cartes de crédit et les prêts automobiles, sont un indicateur précoce des arriérés hypothécaires
Il existe au départ une corrélation négative entre les changements constatés dans les taux de délinquance non hypothécaires et les prêts hypothécaires en souffrance lorsqu'on les observe avec un décalage de 18 mois. Il semble que lorsque les pressions financières commencent à se faire sentir, les propriétaires d'habitations accordent souvent la priorité à leurs paiements hypothécaires plutôt qu'à leurs autres dettes.
Cependant, dans les 6 à 12 mois, les premiers signes de difficultés à rembourser la dette non hypothécaire sont généralement liés à une hausse des arriérés de paiements hypothécaires.
Trois cas de figure
Notre analyse fait ressortir deux groupes de villes distincts :
- les marchés de l'habitation qui pourraient ne pas connaître de fortes hausses des taux de prêts hypothécaires en souffrance,
- ceux qui risquent de connaître de telles hausses, et;
- ceux qui doivent être suivis de près en raison de résultats contrastés
Calgary, Saskatoon et Halifax font partie du premier groupe. Les taux de prêts hypothécaires en souffrance dans ces villes devraient rester près de leurs faibles niveaux d'après la pandémie. Ils devraient selon nous être relativement stables au cours des prochains mois.
À Winnipeg aussi, la situation semble stable, bien que les tendances récentes montrent une forte baisse des pointages de crédit moyens et une augmentation des cas de délinquance hypothécaires. C'est signe qu'une pression à la hausse pourrait s'exercer sur les prêts hypothécaires en souffrance à l'avenir.
Toronto et Vancouver sont dans une situation complètement différente. Les arriérés hypothécaires devraient augmenter dans ces deux villes. Notre modélisation montre que Toronto pourrait atteindre un taux de prêts hypothécaires en souffrance inégalé depuis 2012.
Même si les taux de prêts hypothécaires en souffrance ne devraient pas augmenter autant à Vancouver, ils pourraient atteindre des niveaux semblables à ceux de 2015.
Les inscriptions élevées par rapport aux ventes à Toronto et à Vancouver limitent sans doute les stratégies de sortie des propriétaires actuels qui cherchent à vendre leur habitation. La fluidité du marché s'en trouve diminuée.
Conjuguée à la hausse des délinquances non hypothécaires, cette situation crée des conditions susceptibles de faire croître les arriérés hypothécaires à l'avenir.
Cette éventualité pourrait être évitée si les taux hypothécaires baissent davantage que prévu ou si les conditions du marché redeviennent favorables aux vendeurs – autrement dit, si le rapport ventes-nouvelles inscriptions montre qu'il y a beaucoup plus d'acheteurs que de vendeurs.
Montréal, Ottawa et Edmonton affichent des résultats contrastés et doivent être suivis de près à mesure que la conjoncture évolue. Même si les taux prévus de prêts hypothécaires en souffrance devraient rester dans les valeurs observées après la pandémie de COVID-19, nous prévoyons de fortes hausses des produits de crédit non hypothécaire en souffrance dans ces trois villes.