La conjoncture économique et les taux d’intérêt ont beaucoup changé au Canada et à l’échelle mondiale depuis la publication de notre dernier rapport Perspectives du marché de l’habitation (avril 2022) et de notre article L’avenir de l’économie et du logement (juillet 2022).
Patrick Perrier
Économiste en chef adjoint
En tant qu'économiste en chef adjoint, Patrick Perrier fait partie d’une équipe d’économistes et de chercheurs dans le domaine du logement. Ensemble, ils s’efforcent d’améliorer notre compréhension, au Canada, des facteurs favorables et défavorables sur les marchés de l’habitation et de leur incidence sur l’abordabilité. Patrick est aussi membre d’une équipe nationale diversifiée de chercheurs et d'analystes qui étudient les obstacles à l’offre de logements et les solutions possibles.
Faits saillants1
- Les pressions inflationnistes ont été plus fortes et plus persistantes que prévu depuis notre dernier rapport Perspectives du marché de l’habitation en avril 2022.
- L’inflation élevée a entraîné des hausses de taux d’intérêt beaucoup plus importantes que prévu au Canada et dans d’autres pays. Les taux d’intérêt devraient encore augmenter étant donné la nécessité de réduire l’inflation.
- L’économie canadienne entamera une légère récession d’ici la fin de 2022 et commencera à se redresser au deuxième semestre de 2023.
- Le prix des logements à l’échelle nationale devrait diminuer de près de 15 % d’ici le deuxième trimestre de 2023, par rapport à son sommet historique du premier trimestre de 2022. Sa baisse sera attribuable au ralentissement de la demande de logements entraîné par la hausse des taux d’intérêt et la détérioration des conditions économiques et des revenus.
- Même si le prix des logements diminue, l'abordabilité de la propriété ne s'améliorera pas, car l’effet favorable de cette baisse des prix sera annulé par la hausse des taux d’intérêt. Les pressions sur l'abordabilité des logements locatifs augmenteront avec la demande, car un moins grand nombre de ménages locataires pourront accéder à la propriété.
Conjoncture et perspectives de l’économie et des taux d’intérêt
Les prévisionnistes, à la SCHL et ailleurs, s’attendaient à une élimination ordonnée des capacités économiques excédentaires2 créées par la baisse marquée de l’activité économique lors des premiers mois de la pandémie. On prévoyait également une hausse graduelle des taux d’intérêt, conformément à l’objectif des banques centrales de maintenir l’inflation sous contrôle.
Depuis, l’inflation a augmenté plus que prévu et a largement dépassé les taux ciblés dans plusieurs économies qui ont un objectif de cibles d’inflation, dont le Canada. La guerre en Ukraine et la recrudescence des infections à la COVID-19 en Chine ont contribué à la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Ces facteurs ont également entraîné une prolongation des perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale initialement causées par la pandémie.
La demande ayant continué de croître grâce à la reprise liée à l’amélioration du contexte pandémique, l’économie mondiale et le Canada ont connu jusqu'à présent en 2022 des pressions de la demande et inflationnistes plus élevées qu'on ne s'y attendait au printemps dernier.
Au Canada, le taux annuel d’inflation – ou le taux d’augmentation – de l’indice d’ensemble des prix à la consommation s’est établi à 8,1 % en juin, son plus haut niveau depuis près de 40 ans. Il est ensuite descendu à 7 %, en août, surtout en raison de la baisse des prix de l’énergie durant cette période.
Malgré cette diminution, nous estimons que les pressions inflationnistes ne se sont pas atténuées, car la moyenne des trois indicateurs de l’inflation tendancielle de la Banque du Canada, qui reflètent mieux les déséquilibres économiques, n’a pas changé depuis juin3.
Ce contexte d’inflation forte et persistante a entraîné une hausse plus marquée que prévu du taux directeur et des autres taux d’intérêt depuis le début de 2022. Du 2 mars jusqu’en juin 2022, la Banque du Canada a haussé son taux directeur de 0,25 % à 1,5 % et a procédé à deux autres hausses par la suite, pour le porter à 3,25 % le 7 septembre. Nous prévoyons que le taux directeur continuera d’augmenter et qu’il culminera à 4 % d’ici la fin de l’année.
Cette hausse du taux directeur fait également augmenter les taux d’emprunt des ménages et des entreprises. À mesure que l’inflation reviendra à sa fourchette cible d’ici le milieu de 2024, le taux directeur de la Banque du Canada baissera et se stabilisera à 2,5 %, le point médian de l’estimation du taux directeur neutre4. Les autres taux d’intérêt suivront généralement le taux directeur sur l’horizon prévisionnel jusqu’en 2024 (voir le graphique 1).