À Toronto, les logements locatifs sont non seulement chers, mais ils se détériorent aussi à mesure que les immeubles d’appartements vieillissent. Cette situation exerce des pressions financières et d’autres tensions sur les familles locataires. Avec l’appui de la SCHL et l’accord général des locataires, propriétaires-bailleurs, propriétaires d’immeubles et de la Ville, le Wellesley Institute et SHS Consulting ont dirigé un laboratoire de solutions pour trouver des moyens concrets de régler le problème.
3 Objectifs clés
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Trouver et analyser les programmes élaborés par d’autres villes pour réparer des logements.
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Susciter des discussions productives afin de déterminer les pratiques exemplaires pour assurer la qualité des logements et leur bon état.
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Repérer les lacunes dans l’approche de Toronto à l’égard des appartements délabrés et concevoir des façons souhaitables et réalisables de l’améliorer.
Étendue du projet et résultats attendus
Il est très probable que si vous louez un logement à Toronto, il se trouve dans un vieil immeuble. Presque toutes les tours d’habitation de Toronto, la forme la plus courante de logements locatifs dans la ville, ont été construites entre 1955 et 1985.
Certains de ces immeubles sont en bon état, mais beaucoup ne le sont pas. Les systèmes de ventilation vieillissants peuvent causer des problèmes respiratoires, les anciennes enveloppes de bâtiment et les anciens systèmes d’éclairage peuvent contenir des matières dangereuses comme du plomb et de l’amiante, et certains sont infestés d’insectes et de rongeurs. Les immeubles plus anciens respectent rarement les normes actuelles en matière d’efficacité énergétique ou d’accessibilité et nécessitent des modernisations coûteuses. Les propriétaires d’immeubles sont également touchés, car les coûts d’entretien augmentent au fil des décennies. Cela signifie qu’il faut transférer les coûts aux locataires, qui ont moins d’argent à consacrer aux produits de première nécessité comme la nourriture et l’éducation.
Selon la Ville de Toronto, il y a eu une augmentation de 82 % des logements construits expressément pour la location sur le marché entre 2015 et 2019, après une longue période de construction presque nulle dans ce secteur. Cela pourrait atténuer certaines pressions sur le marché locatif et offrir plus d’options aux locataires, mais les problèmes des vieux immeubles persistent.
Le laboratoire de solutions
Ces problèmes sont complexes : 525 000 ménages vivent dans des immeubles de types, de tailles et d’âges variés, allant des appartements appartenant à des particuliers aux tours d’habitation appartenant à des multinationales. Il faut également tenir compte des intérêts différents. Ce qui aide les locataires coûte souvent aux propriétaires-bailleurs et aux propriétaires d’immeubles. De plus, toute solution à cette échelle tient compte des règlements de la Ville, des revenus locatifs et fiscaux et des ressources limitées.
C’est là qu’entre en jeu le Wellesley Institute, un organisme indépendant sans but lucratif qui se consacre à la santé et à l’équité saine dans la région du Grand Toronto (RGT). L’institut a demandé et reçu 167 843 $ des laboratoires de solutions du gouvernement du Canada, un volet de la Stratégie nationale sur le logement. Administrée par la SCHL, l’initiative aide les organisations à explorer de nouvelles solutions aux problèmes complexes de logement.
« Le Wellesley Institute a pu le faire parce qu’il s’agit d’un organisme neutre », explique Kate Murray, chercheuse principale au laboratoire. « Si la Ville ou un groupe de locataires l’avait fait, ils auraient eu plus de difficulté à concilier leurs intérêts. Nous ne sommes pas un organisme de défense des droits ni un organisme gouvernemental et il fallait quelqu’un qui comprenait non seulement les intérêts des locataires, mais aussi ceux des propriétaires-bailleurs et de la Ville. »
Officiellement intitulé Pratiques exemplaires pour des logements sains à Toronto, le laboratoire de solutions a été codirigé par le Wellesley Institute, qui a fourni une expertise en politiques et en recherche sur l’élaboration de logements, et SHS Consulting, qui a dirigé le processus de conception conjointe pour trouver des solutions.
Motifs de discussion
Trouver des solutions pratiques pour remédier à la détérioration du parc locatif de Toronto, exige un consensus de la part de groupes disparates, soit les locataires, les propriétaires-bailleurs, les propriétaires et la Ville. Par conséquent, il a fallu préparer le terrain pour la discussion.
Depuis le milieu de 2019, le Wellesley Institute et l’équipe du SHS ont mis sur pied un comité consultatif pour orienter le travail et le processus. L’équipe a également mené un examen juridictionnel dans le but de présenter les idées mises en œuvre dans d’autres villes et pays. Dans le cadre d’ateliers avec chaque type de participant et d’une expertise externe, l’équipe a également défini les questions auxquelles il faut répondre :
- Qu’est-ce qu’un logement sain?
- Quel est le contexte, la nature et la portée du problème à Toronto?
- Quelles sont les causes qui y ont contribué?
- Quels sont les rôles des gouvernements et des autres intervenants?
Cet atelier a également permis de s’entendre sur les réponses. Bien que l’ampleur du problème à Toronto soit bien documentée, les liens entre la qualité du logement et la santé ne sont pas pleinement compris par tous. L’atelier a permis de mieux saisir les nombreux aspects d’un logement sain, notamment les inégalités en matière de santé entre les groupes de population, et le lien entre l’abordabilité et la santé, ainsi que des aspects plus connus, comme la qualité de l’air.
Cette compréhension commune a préparé le terrain pour un forum d’une journée tenu à l’Université de Toronto en février 2020. Celui-ci a réuni à la même table bon nombre des participants précédents, ainsi que des universitaires et d’autres experts et intervenants. « C’était une journée très importante », affirme Kate. « Nous avons pu réunir un grand nombre de personnes compétentes pour étudier ce dossier et tout le monde était heureux d’en discuter. » L’objectif était de déterminer l’étendue et les sources du problème.
Favoriser la participation
Les participants
Les citations du rapport final (PDF) du laboratoire de solutions montrent la diversité d’opinions des participants :
- « Les subventions peuvent créer de la confusion et, parfois, elles ne semblent pas être une bonne façon d’utiliser les fonds publics. Mais les gens qui vivent dans ces tours méritent d’avoir de bons logements. Nous devons trouver un équilibre entre des discours contradictoires. »
- « Il faut imposer des limites pour indiquer qu’il y a un certain niveau d’exigences pour des bâtiments sains et que si vous ne les respectez pas, ce n’est pas satisfaisant. »
- « Une partie du processus consiste à habiliter la Ville à utiliser le mécanisme [d’acquisition]. Nous ne l’utilisons que sur une base volontaire pour effectuer des modernisations, mais cela ne s’est pas produit depuis longtemps… Quelles sont les étapes à suivre pour utiliser les outils dont nous disposons déjà? »
- « L’immobilier est la plus récente forme d’investissement. Ce n’est plus un endroit où vivre, mais un endroit où faire de l’argent. »
- « Il existe une dynamique de désinvestissement, que ce soit dans les quartiers ou dans les immeubles individuels, dont l’objectif est de pousser les locataires à quitter l’immeuble afin que les logements puissent être loués à d’autres personnes à un prix plus élevé. »
Le consensus dépendait également de la participation active.
« Bien que le Wellesley Institute dispose d’un financement de recherche, le soutien de la SCHL a rendu possible l’élargissement du laboratoire de solutions », affirme Kate. « Cela nous a permis d’embaucher SHS Consulting et de fournir de l’argent pour les communications, ainsi que pour la mobilisation des locataires et des autres participants, ce qui a été un grand succès, parce que nous n’aurions pas pu obtenir le même niveau de participation sans les payer. » Kate insiste sur le fait que les locataires participants ont reçu un salaire de subsistance, plus les frais de garde d’enfants et de transport, afin d’encourager une participation représentative et une voix égale. « Comme les grands propriétaires et les représentants de la Ville sont tous payés par leurs employeurs, cela a permis aux locataires bénévoles d’être sur un pied d’égalité et a montré la valeur que nous accordons à leur temps et à leur expertise », explique Kate.
La Ville a aidé à réunir les propriétaires-bailleurs et les propriétaires d’immeubles, mais pas tous. Certaines sociétés de propriétaires-bailleurs n’étaient pas intéressées. Cependant, comme l’a dit Kate, « ce fut une réalisation de les amener à la table, de s’asseoir avec la ville et les locataires. Ils n’étaient pas d’accord sur tout, mais ils étaient certainement enthousiastes à l’idée de partager les solutions à ces problèmes. »
Parvenir à des solutions
Au départ, il y avait un large consensus sur environ 10 solutions : beaucoup trop nombreuses pour être facilement mises en œuvre. « Nous avons d’abord regroupé certaines d’entre elles. Nous sommes ensuite allés chercher un consensus, avons affiché ces solutions dans une salle et avons discuté de chacune en détail. Ensuite, les participants ont classé leurs choix par ordre de priorité. » Lors de la publication du rapport final en décembre 2020, les participants ont été en mesure de réduire les nombreuses suggestions à un noyau de 5 idées pratiques :
- Établir et faire respecter des normes de qualité des logements sains, en utilisant une approche globale axée sur les données et en amenant les immeubles les moins performants à un état sain.
- Centraliser le financement et les prêts pour les modernisations et les rénovations majeures visant la qualité et l’abordabilité de logements sains.
- Établir des carrefours de logements sains de qualité pour les locataires et un réseau centralisé pour soutenir les locataires à l’égard des problèmes de qualité des logements sains.
- Mettre en place des mécanismes pour acquérir des logements vieillissants et en difficulté auprès des propriétaires qui ne peuvent ou ne veulent pas offrir des logements sains, afin d’assurer des réparations adéquates et l’abordabilité continue.
- Établir un comité permanent consacré au dialogue entre les systèmes pour soutenir la préservation de logements locatifs abordables de qualité et faire progresser les autres solutions.
Kate dit qu’en tant que chercheuse, elle n’a pas été très surprise par les solutions trouvées. « À Wellesley, nous pouvons produire un document de recherche qui confirme la valeur de chacune de ces 5 idées, mais un document de recherche n’aurait pas suscité autant d’intérêt. Nous avons plus de contacts que jamais avec les participants intéressés et nombreux sont ceux qui se mobilisent pour poursuivre ce travail. »
De plus, le laboratoire a suscité des attentes élevées, et Kate espère que celles-ci se traduiront par un intérêt et des partenariats soutenus. « Il doit y avoir de véritables activités de défense des droits avant que la Ville ne reprenne le flambeau », affirme-t-elle. Le laboratoire de solutions propose une table ronde réunissant des locataires, des propriétaires-bailleurs et des propriétaires d’immeubles, la Ville et des chercheurs qui guideront le déploiement de chaque solution et pourraient en accepter de nouvelles.
Passer à l’action
Le but du laboratoire de solutions n’était pas seulement de trouver des solutions, mais aussi de préparer le terrain pour passer à l’action. Pour chacune des 5 solutions, la prochaine étape consiste à financer une démonstration ou un projet pilote dans le monde réel, qui peuvent être testés avant que la solution soit déployée à plus grande échelle.
Par exemple, affirme Kate, « tout le monde est très enthousiaste à l’idée d’acheter les immeubles des propriétaires-bailleurs des bidonvilles et de les confier à des fournisseurs de logements sans but lucratif et de logements abordables. Je pense que nous pouvons mettre à l’essai un immeuble où la Ville pense que nous pouvons faire la plus grande différence, y mettre tous les efforts possibles et avoir un magnifique exemple. » Cependant, elle est également prudente, car la rénovation d’un immeuble est l’une des solutions les plus coûteuses, avec des coûts pouvant s’élever entre 16 000 et 140 000 $ par logement. « Les travaux pourraient sans doute être financés au moyen de prêts, comme ça s’est fait dans les années 1960 et 1970 », souligne-t-elle.
« La solution qui préconise l’application des normes est réalisable parce que les mécanismes sont déjà en place », affirme Kate. Il s’agit principalement d’avoir suffisamment de personnel à LogementSain Toronto pour rendre possible l’application de normes de logement sains ainsi que la volonté de le faire. Il peut aussi s’agir d’examiner la façon dont d’autres villes ont abordé le même problème et de trouver des mécanismes pour mettre le tout en marche.
De nombreux détails doivent encore être réglés, notamment qui dirigera les travaux, comment les financer et comment maintenir l'intérêt du public et la volonté politique. Ces solutions nécessiteront une approche nuancée à long terme et un engagement soutenu, puisque la détérioration du parc locatif de Toronto est un problème complexe qui a mis des décennies à se produire.
Équipe du projet : Wellesley Institute
Emplacement : Toronto (Ontario)
Collaborateurs du projet :
- SHS Consulting
- Ville de Toronto – Municipal Licensing and Standards Division
- Toronto Public Health
- Erica Phipps, chercheuse principale, LogementSain
- Greater Toronto Apartment Association
- Federation of Metro Tenants’ Associations (FMTA)
- J.D Hulchanski, chercheur principal, Neighbourhood Change Research Partnership (NCRP)
- ACORN Toronto (Association of Community Organizations for Reform Now)
Pour en savoir plus :
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The Wellesley Institute.