Distribution des besoins impérieux en matière de logement au Canada
Les besoins impérieux en matière de logement soulignent les défis rencontrés par beaucoup de personnes au Canada pour trouver un logement sûr, abordable et de taille convenable. Un ménage éprouve des besoins impérieux en matière de logement si son habitation n'est pas conforme à au moins une des normes d'acceptabilité (qualité, taille et abordabilité) et si le coût d'un logement conforme aux trois normes correspond à 30 % ou plus de son revenu avant impôt. Les taux de besoins impérieux sont souvent présentés au niveau du ménage, car tous les membres du ménage sont touchés.
Selon l'Enquête canadienne sur le logement, environ 1,7 million de ménages (11,2 %) avaient des besoins impérieux en matière de logement en 2022. Ce nombre correspond à environ 3,3 millions de personnes (9,1 % de la population).
Cet article porte principalement sur les caractéristiques individuelles, comme le genre, le groupe racial et l'âge. Nous y utilisons surtout le pourcentage de personnes plutôt que le pourcentage de ménages ayant des besoins impérieux en matière de logement. Toutefois, lorsque nous nous penchons sur la composition de la famille, nous utilisons les taux de ménages. Ainsi, nous comprenons mieux l'écart des besoins entre les ménages monoparentaux et les ménages composés d'un couple (avec ou sans enfants).
À l'aide de l'analyse comparative entre les sexes plus (ACS Plus), nous avons examiné la variation des taux de besoins impérieux en matière de logement parmi la population canadienne selon le genre et son intersection avec le groupe racial, le revenu, l'âge et la composition de la famille. L'approche ACS Plus permet d'analyser les facteurs qui se recoupent et qui peuvent influencer l'expérience d'une personne en matière de logement. Elle aide à connaître les facteurs sous-jacents qui peuvent façonner l'expérience de personnes diverses en matière de logement et à ainsi soutenir des programmes et des politiques plus adaptés et plus inclusifs.
Les femmes ont des taux de besoins impérieux en matière de logement plus élevés que les hommes
Dans l'ensemble, les femmes avaient des taux de besoins impérieux en matière de logement plus élevés que les hommes. En 2022, ce taux était de 9,8 % pour les femmes et de 8,4 % pour les hommes. La disparité la plus marquée était parmi les locataires. Les femmes locataires avaient des taux de besoins impérieux en matière de logement plus élevés que les hommes locataires (21,3 % contre 18,2 %, respectivement).
Hommes+ ayant des besoins impérieux en matière de logement (%) | Femmes+ ayant des besoins impérieux en matière de logement (%) | |
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Total selon le mode d'occupation | 8,4 | 9,8 |
Propriétaire-occupant | 4,4 | 4,9 |
Locataire | 18,2 | 21,3 |
Locataire vivant dans un logement social et abordable | 26,8 | 28,8 |
Locataire ne vivant pas dans un logement social et abordable | 17,4 | 20,3 |
Source : SCHL, données adaptées de l'Enquête canadienne sur le logement, 2022 (Statistique Canada)
Âge, genre et besoins impérieux en matière de logement
Selon les données de l'Enquête de 2022, parmi les 15 - 24 ans, les hommes avaient un taux de besoins impérieux en matière de logement plus élevé que les femmes. À partir de 25 ans, les femmes avaient des taux plus élevés que les hommes. Cette situation est en partie attribuable à l'écart salarial entre les genres. Selon Statistique Canada, l'écart salarial entre les genres était de 16,0 % en 2022. Ainsi, pour chaque dollar gagné par un homme de 15 ans et plus, une femme gagnait 84 cents.
L'écart le plus important était dans le groupe des personnes âgées. En effet, l'écart entre hommes et femmes commence à se creuser de façon plus marquée entre le groupe des 45-54 ans et celui des 55-64 ans. La différence du taux de besoins impérieux en matière de logement entre les hommes et les femmes de 45-54 ans est mince (6,9 % contre 7,5 %, respectivement). Par contre, les taux et l'écart augmentent considérablement chez les 55-64 ans (9,1 % pour les hommes contre 10,4 % pour les femmes). L'écart continue de se creuser à mesure que la population canadienne avance en âge.
Chez les 65 - 74 ans, les taux de besoins impérieux en matière de logement étaient de 8,0 % pour les hommes et de 12,0 % pour les femmes. Ces taux étaient beaucoup plus élevés chez les femmes de 75 ans et plus (14,6 %) et seulement légèrement plus élevés chez les hommes du même groupe d'âge (8,7 %). Plusieurs facteurs l'expliquent :
- les femmes âgées ont moins d'économies en raison de l'écart salarial entre les genres, et leurs rentes et leurs revenus de retraite sont plus faibles que ceux des hommes;
- le divorce ou le décès d'un conjoint laisse les femmes avec une seule source de revenus.
Femmes racisées et besoins impérieux en matière de logement
Les femmes racisées1 étaient particulièrement susceptibles d'avoir des besoins impérieux en matière de logement. En 2022, les personnes racisées présentaient des taux plus élevés que les personnes non racisées, soit 14,4 % contre 7,7 % respectivement (tableau 2). En 2018, 2021 et 2022, les femmes racisées étaient 2 fois plus susceptibles d'avoir des besoins impérieux en matière de logement que les femmes non racisées.
En 2018, 18,8 % des femmes racisées avaient des besoins impérieux en matière de logement, contre 7,6 % pour les femmes non racisées (tableau 2). Cet écart a légèrement diminué en 2022 : 16,8 % des femmes racisées et 8,5 % des femmes non racisées avaient des besoins impérieux en matière de logement (tableau 2). La différence entre le taux de besoins impérieux en matière de logement des femmes racisées et des femmes non racisées concorde avec d'autres constatations. On observe des taux de pauvreté plus élevés chez les femmes et les filles racisées que chez les femmes et les filles non racisées (Statistique Canada, 2024).
On observe aussi un écart entre les hommes racisés et non racisés. En 2018, 13,4 % des hommes racisés avaient des besoins impérieux en matière de logement, contre 6,2 % des hommes non racisés. Bien que les hommes racisés présentent des taux plus élevés que les hommes non racisés, cet écart a légèrement diminué en 2022. En effet, 12,1 % des hommes racisés et 7,0 % des hommes non racisés avaient des besoins impérieux en matière de logement en 2022.
2018 | 2021 | 2022 | |||||||
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Total (%) | Hommes (%) | Femmes (%) | Total (%) | Hommes+ (%) | Femmes+ (%) | Total (%) | Hommes+ (%) | Femmes+ (%) | |
Total selon l'appartenance à une minorité visible | 8,5 | 7,7 | 9,2 | 7,2 | 6,5 | 7,8 | 9,1 | 8,4 | 9,8 |
Membre d'une minorité visible | 15,9 | 13,4 | 18,8 | 16,9 | 19,9 | 14,0 | 14,4 | 12,1 | 16,8 |
N'est pas membre d'une minorité visible | 6,9 | 6,2 | 7,6 | 6,3 | 5,6 | 7,0 | 7,7 | 7,0 | 8,5 |
Source : SCHL, données adaptées de l'Enquête canadienne sur le logement, 2018 - 2022 (Statistique Canada)
Ménages monoparentaux et besoins impérieux en matière de logement
Les ménages monoparentaux ont généralement des taux de besoins impérieux en matière de logement supérieurs à ceux des ménages composés d'un couple (tableau 3). Cet écart est souvent attribuable à plusieurs facteurs. On peut notamment citer la responsabilité d'une seule personne pour subvenir aux besoins d'un ou de plusieurs enfants ou pour payer les frais de logement. Le besoin de payer un service de garde pour pouvoir travailler est un autre facteur déterminant.
Le tableau 3 montre que le taux est plus faible pour les ménages composés d'un couple avec ou sans enfants que pour les ménages monoparentaux3. En 2022, les couples avec enfants avaient un taux de besoins impérieux en matière de logement de 6,0 %. Ce taux était plus bas chez les couples sans enfants (5,0 %). Cependant, les taux étaient beaucoup plus élevés chez les ménages monoparentaux et les ménages ne faisant pas partie d'une famille de recensement4 (19,4 % et 19,3 %, respectivement). L'Enquête montre que les taux sont aussi plus élevés pour les ménages monoparentaux dirigés par une femme que pour ceux dirigés par un homme (21,0 % contre 15,5 %, respectivement). Une étude récente de Statistique Canada illustre la disparité de salaire entre les genres, surtout pour les mères monoparentales.
En 2022, les ménages ne faisant pas partie d'une famille de recensement avaient aussi des taux de besoins impérieux en matière de logement supérieurs à ceux des ménages composés d'un couple avec ou sans enfants (19,3 %). Les femmes hors famille de recensement avaient un taux plus élevé que les hommes (21,7 % et 16,7 %, respectivement). C'est surtout vrai pour les personnes vivant seules (ménages d'une personne ne faisant pas partie d'une famille de recensement). Leur taux de besoins impérieux en matière de logement était de 20,6 %. Encore une fois, l'Enquête montre un écart de taux entre les femmes et les hommes vivant seuls (23,3 % et 17,5 %, respectivement). Comme ces personnes doivent compter sur un seul revenu pour subvenir à leurs besoins, elles risquent plus d'avoir des besoins impérieux en matière de logement.
Total (%) | Hommes+ ayant des besoins impérieux en matière de logement (%) | Femmes+ ayant des besoins impérieux en matière de logement (%) | |
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Total selon le type de ménage, y compris la composition de la famille de recensement | 11,6 | 9,9 | 13,3 |
Couple avec enfants | 6,0 | 6,8 | 4,9 |
Couple sans enfants | 5,0 | 4,8 | 5,1 |
Famille monoparentale | 19,4 | 15,5 | 21,0 |
Personne hors famille de recensement | 19,3 | 16,7 | 21,7 |
Source : SCHL, données adaptées de l'Enquête canadienne sur le logement, 2022 (Statistique Canada)
Femmes à faible revenu et besoins impérieux en matière de logement
En général, les personnes dans les fourchettes de revenu inférieures avaient des taux de besoins impérieux en matière de logement supérieurs à celles dans les fourchettes supérieures. En 2022, les femmes avaient des taux plus élevés que les hommes dans toutes les catégories de revenu, sauf celle de moins de 20 000 $ par an. Ces résultats indiquent que les hommes à faible revenu avaient des taux de besoins impérieux en matière de logement supérieurs à ceux des femmes à faible revenu. Toutefois, ces données ne tiennent pas compte de la taille du ménage, de la composition de la famille, des conditions de vie et de l'âge. Pourtant, ces facteurs pourraient expliquer ces différences. Les recherches futures devraient examiner de plus près les caractéristiques des personnes à faible revenu.
Incidence sur les politiques et programmes de logement
Il est important de savoir quelles personnes ont les taux de besoins impérieux en matière de logement les plus élevés pour adapter les politiques et les programmes en conséquence. Selon les résultats de l'Enquête canadienne sur le logement de 2022 :
- les femmes avaient des taux de besoins impérieux en matière de logement plus élevés que les hommes;
- les femmes de 75 ans et plus avaient les taux de besoins impérieux en matière de logement les plus élevés parmi tous les groupes d'âge;
- les femmes racisées étaient plus susceptibles d'avoir des besoins impérieux en matière de logement que les femmes non racisées;
- les familles monoparentales, surtout celles dirigées par une femme, continuaient d'avoir des taux de besoins impérieux en matière de logement élevés;
- les femmes vivant seules avaient des taux de besoins impérieux en matière de logement plus élevés que les hommes vivant seuls;
- il faut mener d'autres recherches sur les différences entre les taux de besoins impérieux en matière de logement selon diverses caractéristiques des personnes à faible revenu.
Ces constatations indiquent que les programmes doivent cibler efficacement les besoins en matière de logement des femmes ayant diverses caractéristiques suivantes : situation des particuliers dans le ménage, taille du ménage, âge, groupe racial et revenu. L'utilisation d'une approche ACS Plus détermine les facteurs qui se recoupent, comme le genre. Elle permet de mieux comprendre les caractéristiques des personnes les plus susceptibles d'avoir des besoins impérieux en matière de logement. Les analyses futures de l'Enquête devraient continuer de s'appuyer sur une approche ACS Plus pour décortiquer les diverses expériences de la population canadienne en matière de logement.
À propos de l'Enquête canadienne sur le logement
L'Enquête canadienne sur le logement est une étude réalisée tous les 2 ans en partenariat avec Statistique Canada. Elle porte sur l'expérience de la population canadienne en matière de logement. Elle a commencé en 2018 dans le cadre d'un engagement de la Stratégie nationale sur le logement visant à fournir des informations nouvelles, plus nombreuses et de meilleure qualité sur le logement. L'objectif était de soutenir de meilleurs résultats en matière de logement pour tout le monde au Canada.
L'Enquête recueille des renseignements auprès des ménages canadiens sur leur logement, leur collectivité, leurs besoins et leur expérience en matière de logement. Les données de 3 cycles d'enquête sont disponibles. Le dernier cycle présente les données les plus à jour sur l'expérience de la population canadienne en matière de logement. Lisez notre article sur certains des principaux enjeux qui ont touché la population canadienne en 2022. Voyez de plus près les taux de besoins impérieux en matière de logement dans différents groupes de population, en particulier selon le genre5.
Cette enquête est une source d’information unique sur de nombreux sujets. Elle permet d’estimer les besoins impérieux en matière de logement d’un cycle à l’autre, ce qui aide à cerner plus rapidement les tendances émergentes. Le troisième cycle (2022) de l’Enquête continue d’offrir des données qui éclairent les décisions en matière de logement. Ces données sont utiles pour les chercheurs, les responsables des politiques, les professionnels du secteur de l’habitation et le grand public.