Notes d’allocution pour Romy Bowers, Présidente et premiere dirigeante, Société canadienne d’hypothèques et de logement
Série de discussions de l’Ottawa Business Journal avec des présidents et premiers dirigeants
Ottawa (Ontario)
Seul le texte prononcé fait foi
C’est un plaisir d’être ici à Ottawa, sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine Anishinabeg.
C’est particulièrement stimulant pour moi de participer à cette première allocution en personne depuis que je suis devenue première dirigeante de la SCHL en avril dernier.
Les vidéoconférences m’ont donné l’occasion de rencontrer de nombreux groupes différents partout au pays, mais rien n’est plus énergisant qu’un évènement en personne.
Avant de me joindre à la SCHL, j’ai passé une grande partie de ma carrière dans la gestion des risques du secteur financier. Je travaillais au service de gestion de la trésorerie à la Banque de Montréal pendant la crise financière de 2008. J’ai pu constater la solidité de la gestion des risques et la façon dont elle a limité les répercussions de la récession au Canada.
J’ai pu également voir par moi-même le travail incroyable que la SCHL a accompli pour soutenir le secteur bancaire pendant la crise. Sept ans plus tard, je travaillais à Chicago lorsqu’on m’a demandé de devenir cheffe de la gestion des risques à la SCHL. J’ai adoré travaillé dans le secteur bancaire, mais me joindre à la SCHL est la meilleure décision que j’ai prise dans ma carrière.
Bien des gens ne s’en rendent pas compte, mais la SCHL est l’une des plus grandes institutions financières du Canada. Y travailler me donne la chance de continuer à participer au secteur financier.
En même temps, j’ai l’occasion de servir la population canadienne grâce à nos politiques et programmes de logement.
En tant qu’organisme national responsable de l’habitation au Canada, la SCHL a pour but d'aider à loger la population canadienne.
Nos produits commerciaux, comme l’assurance prêt hypothécaire, jouent un rôle important pour soutenir un système de financement du logement stable et efficace.
Nos spécialistes en recherche et en politiques fournissent de l’information fiable afin que tous les participants au système de logement puissent prendre des décisions avisées.
Nos programmes de logement abordable, offerts dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, dont l’enveloppe s’élève à plusieurs milliards de dollars, créent des logements pour la population canadienne tout au long du continuum du logement : maisons d’hébergement, logements de transition, logements locatifs au taux du marché, logements communautaires ou sociaux.
Au cours de la dernière année seulement, nous avons soutenu la création de plusieurs ensembles résidentiels à Ottawa.
Des projets d’envergure, comme l’ensemble Dream LeBreton récemment annoncé, qui sera le plus vaste ensemble résidentiel carboneutre au Canada. Cet ensemble fournira des logements dont le centre-ville a grandement besoin, tant pour les travailleurs à revenu moyen que pour les populations vulnérables. Il comptera aussi des commerces de détail et des services communautaires et de santé.
Nous avons également soutenu la création d'ensembles d’habitation plus petits, mais essentiels, comme la Maison des anciens combattants, sur l’ancienne base des Forces canadiennes Rockcliffe. Cet ensemble réalisé par l’Initiative multiconfessionnelle sur l’habitation offre des logements aux anciens combattants qui sont en situation d’itinérance ou risquent de le devenir.
Pour Bill Beaton, l’un des résidents de la Maison des anciens combattants, le fait de retrouver un logement permanent après avoir perdu le sien a complètement changé sa vie. Il espère que cette maison deviendra un modèle pour les futures résidences d’anciens combattants.
Ce ne sont là que quelques exemples, mais ils vous donnent une idée de l’éventail des projets d’ensembles résidentiels que nous aidons à réaliser à Ottawa et qui fournissent des logements locatifs indispensables dans la ville. L’insuffisance de l’offre est l’un des facteurs qui alimentent la crise du logement que nous vivons aujourd’hui au Canada.
Pour moi, en tant que première dirigeante, il est très intéressant et stimulant de diriger la SCHL en ce moment.
Notre aspiration est ambitieuse : faire que d’ici 2030, tout le monde au Canada pourra se payer un logement qui répond à ses besoins.
Il s’agit d’une noble aspiration, essentielle à la création d’un Canada véritablement équitable. Un endroit où tout le monde peut réaliser son potentiel et s’épanouir.
Mais cette aspiration est aussi de plus en plus difficile à concrétiser.
Le marché de l’habitation du Canada est remarquablement robuste depuis quelque temps déjà. Toutefois, cette situation a révélé de graves faiblesses tant pour les locataires que pour les acheteurs.
Malgré la baisse sans précédent des taux d’intérêt, les frais de logement en pourcentage du revenu disponible suivent une lente tendance à la hausse depuis le début des années 2000.
De fait, nous observons deux crises de l’abordabilité. L’une touche les ménages locataires et acheteurs qui ont de plus en plus de difficulté à accéder à des logements du marché.
L’autre touche les populations vulnérables, qui ont du mal à répondre à leurs besoins les plus fondamentaux en matière de logement.
La première est le résultat d’une tendance à la hausse du prix des habitations qui dure depuis longtemps et qui persiste. Cette tendance n’a jamais été aussi marquée au cours des 30 dernières années.
La hausse rapide des prix n’est pas un phénomène nouveau dans des villes comme Toronto et Vancouver. Mais ce qui est nouveau, c’est que le problème s’aggrave et s’étend aux villes et aux villages de tout le pays, y compris à Ottawa. La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’empirer les choses.
Par exemple, au cours des 20 dernières années, le prix moyen des logements a augmenté de 6 % par année à Ottawa. Mais ces deux dernières années, nous avons constaté une hausse d’environ 20 % par an.
En d’autres termes, le prix moyen est 46 % plus élevé qu’avant la pandémie.
Cette situation s’explique par de nombreux facteurs :
- la demande refoulée qui s’est accumulée pendant les premiers mois de la pandémie;
- les faibles taux d’intérêt;
- les acheteurs qui recherchent des logements plus spacieux, adaptés au télétravail;
- la résilience du secteur public et du secteur des technologies de l’information, qui sont très solides à Ottawa;
- un grave manque de logements.
La situation n’est guère meilleure pour les locataires.
À première vue, le taux d’inoccupation de 3,5 % à Ottawa ne semble pas particulièrement bas. Mais pour les logements locatifs que les ménages à revenu faible ou moyen peuvent se permettre, le taux d’inoccupation est proche de 0 %.
Autrement dit, il est presque impossible de trouver un appartement de deux chambres pour moins de 1 200 dollars par mois. C’est un véritable problème pour les personnes qui occupent des emplois moins bien rémunérés dans le secteur des services, par exemple.
Pourquoi le coût élevé des logements et le manque de logements abordables sont-ils préoccupants?
Parce que pour des entreprises comme la vôtre, ils font augmenter les coûts de vos locaux.
Parce que le coût élevé des logements signifie que vos clients pourraient avoir moins d’argent à dépenser pour vos biens et services. Et la hausse des taux d’intérêt ne fera qu’aggraver la situation, d’autant plus que les ménages canadiens doivent maintenant 1,86 dollar pour chaque dollar de revenu disponible gagné, un niveau d’endettement record. Il s’agit d’un sommet quasi historique.
Ces problèmes sont préoccupants aussi pour vos employés et, au bout du compte, pour l’économie de la ville.
Pendant la pandémie, Ottawa, comme d'autres villes, a vu croître la migration de ses habitants vers des marchés moins chers. Dans certains cas, les gens ont déménagé dans des régions rurales ou de petites villes de la région, ou, dans le cas d’Ottawa, de l’autre côté de la rivière, à Gatineau.
La possibilité de travailler à domicile a fait de ces déménagements une option viable. Si, après la pandémie, la tendance au télétravail se poursuit, cette migration pourrait continuer, surtout ici.
Cette tendance s’explique par le fait que près de 50 % des employés actuels d’Ottawa peuvent facilement travailler à distance.
Une grande partie de la main-d’œuvre de la ville, plus que dans toute autre ville du Canada, travaille dans les secteurs des finances et de l’assurance, des technologies de l’information et de l’administration publique.
C’est une bonne nouvelle pour les travailleurs qui peuvent vivre dans des lieux où le coût du logement est moins élevé, et pour les entreprises qui y sont installées. Toutefois, cette tendance pourrait avoir une incidence négative sur les entreprises d’Ottawa dont la clientèle est locale.
Elle touche les propriétaires-occupants et les ménages à revenu moyen, mais entre-temps, la pénurie de logements locatifs abordables pour les personnes à faible revenu s’avère tout aussi grave, voire plus.
Environ 13 % des ménages canadiens éprouvent des besoins impérieux en matière de logement. Autrement dit, ces personnes consacrent plus de 30 % de leur revenu au logement ou vivent dans un logement de qualité ou de taille non convenables.
L’itinérance chronique demeure également un problème grave. Chaque nuit, près de 35 000 personnes au pays peuvent se retrouver en situation d’itinérance.
Je vous ai donné un aperçu des défis liés à l’abordabilité. Mais quelle est leur cause et que pouvons-nous faire?
Le système canadien du logement est complexe, et plusieurs raisons expliquent la forte hausse des prix qui persiste.
Cependant, la principale raison est que l’offre ne suit tout simplement pas le rythme de la demande. Et c’est un problème qui dure depuis des années.
La demande de logements, tous types confondus, a bondi au Canada, surtout dans les grandes villes et les grandes régions économiques en croissance rapide.
De tous les pays du G7, c’est le Canada qui affiche la croissance démographique la plus rapide. Nous devons égaler cette croissance en augmentant le nombre de logements. Cet été, la SCHL publiera un rapport approfondi qui utilise les derniers indicateurs pour évaluer la quantité de logements nécessaires au cours des prochaines années.
La réponse semble simple : construire plus de logements. Et c’est ce que nous continuons d’encourager à la SCHL par la Stratégie nationale sur le logement et sa gamme de programmes axés sur l’offre. Cette stratégie de plus de 72 milliards de dollars sur 10 ans du gouvernement fédéral vise à créer 180 000 logements, mais elle ne suffira pas à résoudre la crise de l’offre de logements.
Il faudra investir davantage, mais l’argent à lui seul ne réglera pas le problème.
Parce que même combler l’écart actuel dans l’offre ne sera pas suffisant. Nous devons nous assurer que l’offre répond mieux à l’inévitable augmentation de la demande à l’avenir.
Dans le cas contraire, le problème ne fera qu’empirer.
Nous devons nous attaquer aux facteurs qui ralentissent l’adaptation de l’offre à la hausse de la demande.
Ces obstacles comprennent des processus inflexibles et de longs délais dans la phase préalable à la construction à l’échelle municipale. Le gouvernement fédéral propose le Fonds pour accélérer la construction de logements qui aiderait les villes à accélérer ces processus. Nous en apprendrons probablement davantage à ce sujet dans le prochain budget fédéral.
Ensuite, il y a la question du syndrome « pas dans ma cour ». Les villes ont du mal à trouver le bon équilibre entre l’engagement communautaire et l’accélération des approbations d’aménagement.
Les préoccupations des propriétaires-occupants actuels l’emportent souvent sur la construction d’ensembles de logements qui correspondent aux exigences de la croissance démographique, du climat et de l’accès équitable aux possibilités économiques de nos villes.
Il y a quelques semaines, nous avons soutenu le Sommet national sur l’offre de logements organisé par le gouvernement fédéral et la Fédération canadienne des municipalités. Des partenaires de tous les ordres de gouvernement et des secteurs sans but lucratif et privé se sont réunis pour discuter des moyens de surmonter les obstacles à l’offre.
Cet évènement a révélé clairement qu’il n’existe pas d’approche unique et magique pour résoudre nos problèmes de logement. Mais il a également montré que nous devons travailler ensemble pour les résoudre. C’est la force économique et la cohésion sociale futures de notre pays qui sont en jeu.
Dans son récent livre Values, Mark Carney soutient que le secteur public peut fournir le fondement des solutions à nos problèmes actuels. Mais la force motrice du changement sera la capacité du secteur privé à financer, à explorer et à opérationnaliser.
Je partage cet avis, surtout dans le cas du logement, où la majeure partie de l’offre provient du marché privé.
J’ai transmis ce message à de nombreux partenaires différents. Récemment, trois grandes institutions financières, soit la Banque de Montréal, la Banque Scotia et la Vancity Community Investment Bank, ont engagé collectivement plus de 22 milliards de dollars pour financer des ensembles de logements abordables au cours de la prochaine décennie.
Nous établissons également des liens avec de petits partenaires du secteur privé qui examinent le problème sous différents angles et présentent de nouvelles solutions.
Par exemple, une entreprise appelée HelpSeeker a développé une application qui aide la population dans le besoin à avoir accès aux services sociaux et de soutien, notamment dans le domaine du logement, dans leur collectivité locale. Nous assistons également à l’arrivée de méthodes innovantes, comme les logements modulaires et les obligations vertes.
Le logement écologique est un autre domaine propice à la collaboration. J’ai mentionné plus tôt l’aménagement Dream LeBreton, qui utilisera des technologies vertes comme l’énergie liée aux eaux usées et les systèmes de production d’énergie solaire pour créer un ensemble résidentiel carboneutre.
Cependant, un grand nombre d’immeubles d’appartements vieillissants nécessitent des rénovations majeures afin d’être plus écoénergétiques et compatibles avec le climat, sans déplacer les résidents.
Différents partenaires – architectes, promoteurs et chercheurs – se sont réunis pour explorer cette possibilité lors de l’un de nos laboratoires de solutions. Leur approche a mené à la remise en état de plusieurs tours d’appartements. La rénovation la plus ambitieuse réalisée à ce jour est la tour Ken Soble de 18 étages à Hamilton, en Ontario.
Je souhaite donc conclure en vous mettant au défi de réfléchir à la façon dont vous, en tant que membres du milieu des affaires d’Ottawa, pouvez apporter votre pierre à l’édifice.
Vous avez de l’influence. Vous comprenez les défis uniques d’Ottawa. Vous avez une expertise diversifiée et une réputation en matière d’innovation.
Et, surtout, il est dans votre intérêt de rendre le logement plus abordable.
Selon vous, quels sont les problèmes de logement à Ottawa? Pouvez-vous fournir des solutions potentielles?
Les nouvelles idées proviennent d’une multitude de sources, y compris les grandes sociétés du pays, les conseils des municipalités rurales, les organismes communautaires et les mouvements populaires. Cela dit, même les idées les plus prometteuses ne porteront pas fruit sans le soutien adéquat.
Si vous avez une solution à proposer, la SCHL vous aidera au mieux de ses capacités. Vous pouvez compter sur nous pour vous offrir expertise et conseils.
Nous nous ferons un plaisir de travailler avec vous pour vous mettre en contact avec d’autres partenaires ou vous proposer un soutien financier.
Parce que nous aurons tous avantage à bâtir des collectivités plus fortes. Nous gagnerons tous en rendant le système canadien du logement plus abordable, durable, inclusif et compatible avec le climat dans les années à venir.
Merci de votre invitation. Et merci d’avoir pris le temps d’en apprendre davantage sur la SCHL et de découvrir pourquoi nous menons nos activités avec tant de passion.