Notes d’allocution de Evan Siddall, Président et premier dirigeant, Société canadienne d’hypothèques et de logement
Northwind Professional Institute
Première édition du Forum sur le financement de l’habitation
Langdon Hall
Cambridge (Ontario)
Seul le texte prononcé fait foi
Je suis très honoré de donner le coup d’envoi à la première édition du Forum sur le financement de l’habitation du Northwind Professional Institute.
Étant donné votre programme, vous vous attendez sans doute à ce que je vous présente un bilan sommaire de l’état des marchés de l’habitation au Canada, à ce que je discute des vulnérabilités persistantes et à ce que je fasse état des récentes modifications aux règles de l’assurance prêt hypothécaire, des perspectives quant au partage des risques avec les prêteurs, et peut-être même des changements futurs possibles.
Si je fais cela, je ne ferai que répéter ce qui a déjà été dit, par moi et par d’autres, et je vais tous nous ennuyer. Vous me remercierez gentiment pour les quelques jours que vous aurez passés ici à profiter de la campagne dans le sud de l’Ontario.
Mais ce n’est pas ce que je vais faire.
Au lieu de cela, je vais vous « révéler les coulisses ». Je vais vous fournir les renseignements que vous recherchez, mais je le ferai en vous entretenant d’un sujet moins éphémère : ce que nous faisons à la SCHL pour devenir un chef de file mondial en gestion des risques liés à l’habitation et pourquoi ces réalisations comptent pour les Canadiens.
Tout d’abord, je tiens à remercier trois de mes collègues ici présents, qui jouent un rôle de premier plan dans le parcours de la SCHL.
Premièrement, Steve Mennill, premier vice-président à l’Assurance; je mets quiconque au défi de connaître et de comprendre l’habitation aussi bien que lui.
Deuxièmement, Wojo Zielonka, notre chef des finances et premier vice-président aux Marchés financiers. Lui aussi a une compréhension très pointue des risques, et le courage inébranlable de nous mettre au défi de nous améliorer.
Troisièmement, Romy Bowers, notre chef de la gestion des risques, qui a occupé un poste dans une des grandes banques avant d’entrer au service de la SCHL en 2015; sans son leadership, nous n’aurions pas progressé autant en matière de gestion des risques à la SCHL. Sa compréhension profonde du risque opérationnel et son leadership ont été cruciaux et nous ont permis de promouvoir un état d’esprit de gestion des risques dans toute l’entreprise. Comme vous le savez, Romy a aussi pris part aux travaux du comité organisateur de cet événement en mettant à profit son intelligence et son énergie.
La SCHL, un instrument de politique publique
La SCHL est une des plus importantes institutions financières au Canada. Pensez au film La vie est belle, un classique des fêtes de fin d’année : nous nous situons au carrefour des banques et des gens qui empruntent pour acheter leur habitation.
Cependant, nous menons nos activités à l’échelle nationale, et non uniquement à Bedford Falls. La gestion d’une activité financière représentant environ un billion de dollars fait de nous une institution financière nationale d’importance systémique.
Notre solide position à ce croisement peut-être une force : la SCHL a contribué à protéger les Canadiens contre le pire en étant prête à affecter 125 milliards de dollars à l’achat de titres hypothécaires en vue de soutenir l’octroi de prêts pendant la crise financière mondiale.
La crise des prêts hypothécaires à risque élevé aux États-Unis a mis en lumière l’importance du logement dans le système financier. Les gens ont rapidement remarqué que la SCHL était un pilier de notre économie.
Certains commentateurs et politiciens qui craignaient que la Société soit trop importante ont songé à sa privatisation. Ce point de vue fait fi de ce qu’est la SCHL, une institution unique et enviable sur le plan mondial.
Non seulement nous offrons une stabilité en amortissant les chocs, mais, en plus, nous combinons notre présence dans le domaine de l’octroi de prêts hypothécaires à une fonction d’aide au logement qui a soutenu 555 000 ménages dans le besoin en 2016.
Notre vision englobant l’ensemble du continuum du logement guide nos activités de recherche et est le fondement des conseils stratégiques que nous donnons aux ministres. Vous nous voyez comme une société d’État. Quant au gouvernement fédéral, il considère la SCHL essentiellement comme un de ses ministères et le président, comme sous-ministre du logement de facto. Les sous-ministres des Finances et d’Emploi et Développement social Canada sont des partenaires clés dans ce travail et siègent au Conseil d’administration de la Société.
Malgré notre importance, nous risquions de perdre notre pertinence. En un sens, c’était de notre faute. Nous étions prudents et sur la défensive, craignant tellement de faire chavirer le navire que nous intervenions peu. Avec le recul, nous avons été typiquement canadiens : excessivement modestes.
Naturellement prudents et fermés à la critique, nous étions repliés sur nous-mêmes et risquions de perdre notre place dans le monde.
Toute entreprise a besoin d’une raison d’être qui est claire, et les entités publiques doivent respecter des normes encore plus strictes, car elles peuvent, par leur seule présence, éclipser les autres.
En plus, il n’est pas simple de nous demander des comptes : les contribuables ne peuvent ni vendre nos actions ni changer les membres de notre Conseil d’administration. Par conséquent, il est de notre devoir d’affronter la question existentielle de la valeur que nous offrons – et des raisons pour lesquelles la participation de l’État est nécessaire. Il nous a fallu diagnostiquer la raison d’être de la SCHL.
Notre dérive stratégique a été un problème particulier. La Société a été critiquée pour avoir visé une trop grande croissance dans son propre intérêt, que ce soit en maximisant sa part du marché dans l’assurance ou en augmentant ses volumes de titrisation. Notre quête de croissance nous a menés à ajouter des mécanismes d’assurance plus risqués, comme la prolongation des amortissements hypothécaires. Et nous n’avons pas été en mesure ou n’avons pas souhaité prévenir l’affaiblissement de nos activités historiques d’aide au logement.
Nous sommes donc revenus à l’essentiel.
Notre mission et notre stratégie
Nous avons commencé par répondre à quelques questions clés. Nous avons réaffirmé notre noble mission et notre ambitieuse vision, et le parcours que nous devons emprunter pour les réaliser. Ce sont là des questions auxquelles toute organisation doit pouvoir répondre clairement.
Pourquoi existons-nous? Quelle est notre mission? Nous aidons les Canadiens à répondre à leurs besoins en matière de logement. Cet énoncé exprime à la fois un but noble et un but qui est consciencieusement restreint.
Où nous dirigeons-nous? Quelle est notre vision? Nous serons au cœur d’un système de logement de classe mondiale. Au-delà de ce qui est bon pour la SCHL, notre vision s’étend au bien-être de notre système de logement dans son ensemble.
Et comment resterons-nous fidèles à notre mission et réaliserons-nous notre vision? Quelle est notre stratégie? 1) Nous obtiendrons de meilleurs résultats par la gestion des risques, 2) nous serons le chef de file grâce à l’innovation et à notre savoir-faire et 3) nous serons une organisation de haute performance – une organisation fiable et intéressante, admirée par les Canadiens.
La gestion des risques est au premier rang. Elle est liée à tout ce que nous faisons. Et il y avait beaucoup à faire dans ce domaine.
Gestion des risques à la SCHL
Un examen de la SCHL effectué par le gouvernement et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) avait antérieurement conclu que des changements systémiques devaient être apportés à nos capacités de gouvernance, de surveillance et de gestion des risques.
Notre première réaction face aux observations du BSIF a été de rayer les recommandations de la liste. Toutefois, c’était comme si nous conduisions en regardant dans le rétroviseur. Nous n’arrivions pas à suivre ni à anticiper le changement. Nous ne gérions pas véritablement les risques; en quelque sorte, c’était le BSIF qui le faisait.
Il fallait que ça change. Au cours des dernières années, nous nous sommes concentrés sur six lacunes clés relatives à la gestion des risques, toutes appuyées par des lignes directrices du BSIF1, qui sont fondées sur de saines pratiques de gestion des risques : 1) la simulation de crise et la gestion du capital, 2) l’assurance de la qualité des prêteurs, 3) la gouvernance des modèles, 4) notre fonction d’audit interne, 5) les risques en matière de cybersécurité et surtout 6) nos politiques et pratiques en matière de gestion des risques.
Selon notre estimation, nos fonctions d’audit interne et d’assurance de la qualité des prêteurs sont maintenant solides. Nous terminerons notre travail relatif à la simulation de crise, à la gestion du capital et à notre gouvernance des modèles en 2017. La gestion des risques en matière de cybersécurité sera un travail constant et nos capacités seront considérablement améliorées grâce au partenariat entre nos TI et Accenture. Finalement, nous avons réalisé d’importants progrès l’année dernière sur une approche de gouvernance des risques commune à toute l’entreprise.
Nous avons eu de la difficulté à trouver l’équilibre entre les deux aspects de notre mandat : soutenir l’accès au logement et favoriser la stabilité financière. Strictement sur le plan de l’offre de logements, plus signifie plus du premier aspect et moins du second.
Même si nous avions un Cadre d’appétit pour le risque, celui-ci évitait la question par l’utilisation d’un langage détourné et teinté d’euphémismes en s’appuyant sur notre mandat relatif à l’« accès » comme échappatoire.
Nous avons depuis revu le Cadre afin de résoudre cette tension au moyen d’un modèle conditionnel qui nous permet de naviguer entre différentes situations. En résumé : nous mettrons la stabilité financière en priorité à moins qu’un bouleversement économique ne survienne2 et, si cela se produit, nous serons prêts à assumer un rôle plus actif afin de favoriser l’accès au logement pour les Canadiens.
La conditionnalité de notre positionnement face aux risques a clarifié notre processus décisionnel, notamment à la suite de la nouvelle ligne directrice du BSIF sur le capital sensible au risque pour l’assurance hypothécaire. Notre nouvelle approche nous a récemment permis d’annoncer des hausses de tarifs pour notre assurance souscrite à l’unité en vue d’être entièrement dédommagés pour la hausse de nos niveaux de capital, puisque le pointage de crédit est devenu un facteur dans l’équation.
Cependant, plutôt que d’augmenter encore plus nos tarifs pour ceux qui ont un pointage de crédit faible, nous avons choisi d’accepter des rendements des capitaux propres moins élevés dans ce secteur, où les assureurs privés sont moins présents. Notre examen des répercussions socio-économiques potentielles sur les habitations en région rurale ou éloignée et les habitations de faible valeur nous a forcés à établir le prix de ce risque différemment du risque associé aux pointages de crédits élevés. Cela dit, nous avons signalé notre intention d’explorer une différenciation éventuelle des tarifs pour que ceux-ci dépendent davantage des pointages de crédit.
Pour le portefeuille d’assurance à faible rapport prêt-valeur, nous avons adopté une approche entièrement fondée sur le risque. Il s’agit d’une assurance achetée par le prêteur des mois et même des années après l’initiation du prêt dans le but de l’utiliser comme sûreté pour les programmes de titrisation de la SCHL.
Le nouveau cadre de capital s’applique également à ces prêts assurés et donnera lieu à des primes qui sont plus de deux fois plus élevées, en moyenne, que les primes actuelles. Il y aura cependant d’importantes variations en fonction des caractéristiques de risque des prêts du portefeuille. Nous avons fourni à nos clients beaucoup de renseignements concernant les fourchettes des primes auxquelles ils peuvent s’attendre compte tenu des différentes combinaisons entre les rapports prêt-valeur et les pointages de crédit.
Culture du risque
Je suis fier des progrès que nous avons accomplis à titre de gestionnaire de risques. En plus des progrès réalisés dans nos six secteurs d’intervention prioritaires, l’instauration d’une culture du risque dans tout ce que nous faisons nous permettra de devenir un chef de file mondial.
La gestion des risques est une façon de penser; elle reflète l’attitude que l’on adopte face aux risques. Un gestionnaire de risques efficace imagine ce qui pourrait changer pour se préparer à ces changements. Il imagine également ce qui devrait changer – et, pour y arriver, il fait plier le monde.
En 2014, le Conseil de stabilité financière a publié un rapport sur la culture du risque à l’intention des organismes de réglementation3. Le Conseil a souligné les éléments essentiels nécessaires et a déterminé quatre indicateurs d’une saine culture du risque : l’exemple donné par la haute direction, l’imputabilité, la communication efficace et la remise en question, et les mesures incitatives. Ces quatre indicateurs sont au cœur des changements qui se déroulent actuellement à la SCHL.
Mon collègue Jeremy Rudin, surintendant du BSIF, a également parlé de l’importance de la culture dans la gestion des risques lors d’un discours prononcé en 2015 devant l’Institut C.D. Howe4. Au-delà des règles et des listes de contrôle, le surintendant a souligné le besoin de se pencher « sur les normes, les attitudes et les comportements [...] en ce qui touche la sensibilisation au risque, la prise de risques et la gestion du risque, et sur la façon dont ces normes, attitudes et comportements renforcent ou minent la gestion responsable du risque ».
La haute direction peut changer la stratégie, la structure, les systèmes, même les gens – et nous avons fait tout cela à la SCHL; cependant, si nous n’abordons pas l’influence dominante de la culture, le projet est voué à l’échec.
La SCHL est une organisation très différente aujourd’hui, notamment grâce à l’énergie déployée par près de 700 nouveaux employés embauchés au cours des deux dernières années. Ce progrès était nécessaire, mais il n’est pas encore suffisant.
Il faut changer davantage. Notre objectif d’être un chef de file mondial en gestion des risques liés à l’habitation nécessite également de nous occuper de notre culture : connaître notre histoire commune, les objets propres à notre culture, ainsi que les préjugés et les « règles » cachées qui nous font encore trébucher.
Nous avons compris que devenir un chef de file mondial se fera aux dépens de certains progrès à court terme. Des changements ralentiront notre progression pour mieux l’accélérer et la soutenir par la suite.