Notes d’allocution de Evan Siddall, Président et premier dirigeant, Société canadienne d’hypothèques et de logement
Banque de l’Angleterre
Londres (Royaume-Uni)
Seul le texte prononcé fait foi
C’est un moment heureux pour moi aujourd’hui, tant sur le plan personnel que professionnel. Il y a de nombreuses années de cela, un ami à New York, le gouverneur, qui est toujours mon ami, m’a ouvert les yeux sur une carrière plus stimulante dans la fonction publique. Il m’a aidé à voir au-delà d’une existence mercantile au milieu des arbres et d’envisager une carrière beaucoup plus enrichissante à m’occuper de la forêt. D’une certaine façon, j’ai aujourd’hui l’occasion de l’en remercier.
Je veux vous parler aujourd’hui de la situation des marchés de l’habitation canadiens et de l’utilisation des outils macroprudentiels pour promouvoir la croissance économique. J’aimerais faire valoir le bien‑fondé des progrès continus que le Canada a accomplis dans ce secteur et signaler que la solidité de notre système financier et de notre économie en est la preuve.
Le gouverneur et moi sommes tous deux des Canadiens. Nous venons d’un pays qui est né d’une paix fragile entre Anglais et Français. Cohabitant d’abord comme deux solitudes, nous avons par la suite formé un creuset qui a attiré des gens venus d’un peu partout dans le monde pour s’installer dans un lieu d’ouverture, de tolérance et d’inclusion. Le Canada est donc tout naturellement un marché libre où les échanges commerciaux, les investissements et les gens du monde entier sont les bienvenus.
Dans le même ordre d’idées, il ressort d’une discussion sur les mécanismes macroprudentiels que le Canada a été le premier grand pays au monde à sortir de l’étalon-or et à laisser sa devise flotter. Le dollar canadien a eu un taux de change flottant pendant 60 des 66 dernières années. En fait, aucun autre grand pays n’a une expérience aussi longue d’une monnaie flottante1.
L’effet de rééquilibrage d’un taux de change flottant s’est avéré l’un des instruments macroprudentiels les plus puissants. Il fait que les décideurs restent honnêtes et maintient l’écart de prix entre les perspectives économiques et les risques au sein des économies. Peu de politiques macroprudentielles, voire aucune, sont aussi efficaces que les monnaies non stabilisées2. Il s’agit du point de départ des mécanismes d’ajustement automatique au Canada.
Les vulnérabilités du marché de l’habitation au Canada
Avant d’aborder les particularités de la politique macroprudentielle au Canada, je dois présenter un aperçu des vulnérabilités liées aux marchés de l’habitation qui ont grandement contribué aux récents changements apportés à la politique macroprudentielle et qui continuent d’influencer notre pensée politique.
Les préoccupations découlant des prix élevés des habitations à Vancouver et à Toronto sont bien connues au Canada. La SCHL a récemment observé que ce problème avait commencé à se répandre dans les marchés avoisinants.
Ces facteurs ont été abordés dans notre Évaluation du marché de l’habitation, publiée le 26 octobre. Ils nous ont poussés à lancer pour la première fois un avertissement de risque élevé pour le marché canadien de l’habitation dans son ensemble.
Pire encore, le niveau d’endettement des ménages canadiens a atteint un sommet historique et se situe maintenant à 168 % du revenu. La Banque du Canada a indiqué que ce facteur est la plus grande vulnérabilité de notre économie et que l’endettement croissant des propriétaires les plus vulnérables est une source particulière de préoccupations. Ces propriétaires comprennent de nombreux accédants à la propriété qui ont moins d’ancienneté d’emploi et des obligations financières plus grandes.
Les investissements dans le logement, moins liquides que d’autres actifs, se rapprochent également des sommets historiques en pourcentage de la valeur nette des ménages, ce qui menace d’aggraver les effets procycliques des corrections qu’ont subies les prix des habitations.
Ces conditions exigeaient une intervention politique. De hauts niveaux d'endettement combinés à des prix élevés sur le marché de l'habitation débouchent généralement sur une contraction de l’économie. Dans leur livre House of Debt, Atif Mian et Amir Sufi ont qualifié cette relation de « si solide qu’elle se rapproche autant d’une loi empirique qu’il est possible en macroéconomie »3 . La situation actuelle au Canada nous préoccupe. La croissance des emprunts des ménages pourrait compromettre notre avenir économique.
Où va la politique macroprudentielle?
Pour les prix des habitations, il est évident que de faibles taux d’intérêt sont une stimulation extraordinaire dans une conjoncture économique moribonde. Une politique monétaire accommodante aggrave les vulnérabilités qui existent déjà relativement à la croissance des prix des habitations et aux ménages fortement endettés.
L’augmentation des taux pour contrer ces effets est un instrument trop direct pour remédier à certains foyers de déséquilibre et de vulnérabilité. Le Fonds monétaire international est arrivé à la conclusion que les coûts du recours à la politique monétaire pour « aller à contre-courant » sont supérieurs aux avantages de façon générale, sauf dans des circonstances exceptionnelles4. En fait, les outils macroprudentiels complètent la politique monétaire en atténuant son effet sur les déséquilibres du marché de l’habitation dans les cas où elle pourrait compromettre l’objectif ultime : la croissance économique.
Et la croissance doit être l’objectif à atteindre. Mon affirmation peut sembler évidente, mais je crois qu’on l’oublie souvent. La politique macroprudentielle devrait chercher à promouvoir la croissance économique, pas forcément à protéger les banques contre elles-mêmes. La politique macroprudentielle n’est pas non plus un moyen de gérer le cycle économique en tant que tel. En fin de compte, les responsables des politiques doivent concevoir des programmes qui soutiennent la croissance durable à long terme de l’économie. Cet objectif devrait nous pousser à centrer la politique macroprudentielle de manière à mieux cibler la croissance.
La politique macroprudentielle au Canada
Pour revenir au Canada, notre régime microprudentiel relève du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). Le BSIF a lui-même adopté d’importantes mesures prudentielles pour cibler les risques élevés liés aux ménages. Par exemple, elles comprennent des normes de souscription des prêts hypothécaires résidentiels visant les prêteurs et les assureurs hypothécaires réglementés. Le BSIF a aussi récemment adopté de nouvelles règles de capital sensible au risque pour les assureurs hypothécaires, y compris la SCHL. Les règles de capital de nos banques ont encore été modifiées relativement à l’exposition aux prêts hypothécaires résidentiels. Il s’agit là d’exigences microprudentielles requises auxquelles des mesures macroprudentielles ont été ajoutées au Canada.
Le Canada a été l’un des premiers pays à adopter un régime macroprudentiel, avec l’instauration de l’assurance prêt hypothécaire obligatoire il y a 60 ans, qui est aujourd’hui exigée lorsque l’acheteur d’une habitation verse une mise de fonds inférieure à 20 %. L’assurance prêt hypothécaire bénéficie d’une garantie du gouvernement fédéral de 100 % pour la SCHL et de 90 % pour nos concurrents du secteur privé.
En raison de son rôle de garant de l’assurance prêt hypothécaire obligatoire, le gouvernement assume la responsabilité de s’assurer que les programmes favorisent la santé et la croissance de l’économie. Ainsi, les règles dites de « bac à sable » régissant l’assurance prêt hypothécaire ont été resserrées six fois depuis 2008, afin de gérer les vulnérabilités liées aux marchés de l’habitation. Elles s’appliquent à l’assurance obligatoire des propriétaires-occupants pour les prêts hypothécaires à rapports prêt-valeur supérieurs à 80 %, ainsi qu’à un programme volontaire grâce auquel les prêteurs peuvent souscrire une assurance de portefeuille existant pour des prêts hypothécaires à faible rapport. Ils font cela pour accéder aux programmes de titrisation de la SCHL, qui ne sont offerts que pour les prêts assurés.
Ces mesures du bac à sable ont appliqué efficacement des limites macroprudentielles aux prêts hypothécaires assurés, notamment : la réduction de la période d’amortissement admissible, les exigences de mise de fonds minimale spécifiées et les seuils maximaux d’amortissement de la dette, le refinancement limité d’un prêt hypothécaire, le plafonnement des prix à 1 million de dollars canadiens, et l’écart sur taux d’intérêt requis ou les « simulations de crise » à utiliser dans le cadre d’une souscription.