Notes d’allocution pour Evan Siddall, président et premier dirigeant de la Société canadienne d'hypothèques et de logement
Chambre de commerce du Montréal métropolitain
Palais des congrès de Montréal
1001, Place Jean-Paul-Riopelle
Montréal (Québec)
Seul le texte prononcé fait foi
Merci madame Labelle et merci à vous tous pour votre accueil chaleureux. Je suis content d’être à Montréal, une ville qui m’est chère et qui est si importante dans l’histoire de notre pays.
Pour moi, Montréal est la plus canadienne des villes… une cité cosmopolite où le français et l'anglais sont parlés sans effort, où le hockey est une religion, où n'importe quelle culture peut s'épanouir et où les peuples fondateurs coexistent dans la tolérance et l'affection mutuelle, un exemple pour la planète.
Je me souviens avec grande fierté d'avoir participé au grand rassemblement de la place du Canada en 1995, alors que des milliers d'entre nous vous ont suppliés de rester dans le giron canadien. L'Anglo que je suis vous remercie – même 20 ans plus tard – d'avoir laissé votre société distincte faire partie de notre pays à tous.
Je remercie la Chambre de commerce du Montréal métropolitain de me donner l'occasion de vous parler de quelque chose qui est très important pour moi, mais aussi pour l'ensemble des Canadiens, à savoir que « le logement, ça compte ».
Réfléchissez un instant à tous les bienfaits qu'un bon logement apporte aux individus, aux familles et aux collectivités.
Notre foyer nous garde au chaud et au sec – un aspect essentiel dans un climat comme le nôtre. Mais c'est aussi un endroit sûr et stable pour élever une famille. Et pour les personnes qui sont propriétaires, un logement favorise la croissance de la richesse et la sécurité financière.
Aujourd'hui, je veux faire valoir que la sécurité résidentielle – avoir un foyer à soi – est une source de dignité. Elle profite aux familles, aux collectivités, à une ville de classe mondiale comme Montréal et à un pays formidable comme le nôtre.
J'aimerais prendre quelques minutes pour réfléchir à l'importance du logement. Je vais aussi vous parler des défis que notre système de logement doit surmonter et vous expliquer pourquoi la SCHL est liée à la santé de notre système de logement.
Le meilleur point de départ est sans doute le porte-monnaie. Nous savons que les frais de logement forment une large part du budget des ménages canadiens. En effet, le ménage moyen y consacre un peu plus du cinquième de son revenu total.
Or, pour les 20 % de soutiens économiques ayant le revenu le plus bas, les frais de logement représentent un bien plus lourd fardeau, soit près de 40 % de leur revenu; presque le double de la moyenne canadienne, et ce, pour les gens qui peuvent le moins se le permettre.
Cette situation peut obliger les ménages à faible revenu à faire des choix difficiles. En restreignant les ressources disponibles pour d'autres nécessités – comme la nourriture, les soins de santé et l'éducation, les frais de logement élevés peuvent rendre plus ardus les efforts que déploient les familles pour demeurer en santé et veiller au développement et à l'éducation des enfants.
Les liens entre un bon logement et une bonne santé ont récemment été mis en évidence par le directeur de santé publique de Montréal, le docteur Richard Massé que je tiens à saluer et qui est parmi nous aujourd’hui.
Le docteur Massé a découvert que près de la moitié des locataires de Montréal qui consacrent plus de 30 % de leur revenu à leur loyer ont du mal à joindre les deux bouts chaque mois, et que un locataire sur quatre ne mange pas à sa faim.1 Sa conclusion était directe et allait droit au but :
« Le problème d’accès à des logements abordables empêche des milliers de Montréalais de se nourrir adéquatement. Des solutions doivent être rapidement mises de l’avant, car une alimentation déficiente peut mener à de nombreux problèmes de santé comme le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, l’obésité et plusieurs cancers ».
Le docteur Massé établit un lien important entre le logement abordable et l'alimentation, et ça va plus loin que ça. En fait, la Société canadienne de pédiatrie a émis l'avertissement suivant : « Les besoins en matière de logement peuvent nuire à tous les aspects de la santé physique, mentale, développementale et sociale des enfants et des adolescents. »2
Un logement surpeuplé peut nuire à la réussite scolaire d'un enfant quand celui-ci ne dispose pas d'un endroit calme pour étudier, et faire ses devoirs.3 Lorsque l'insécurité résidentielle se manifeste par des déménagements fréquents, il peut s'ensuivre des problèmes au chapitre de la maturité scolaire des enfants, de la continuité de leur éducation et de leur rendement à l'école, sans compter les conséquences à long terme en ce qui concerne l'emploi et le revenu.
À titre d'exemple, des chercheurs ont découvert aux États-Unis que l'instabilité résidentielle est étroitement liée à la maturité scolaire des enfants dès l'âge de cinq ans.4 Et qu'un déménagement durant l'enfance se traduit par la perte de près d'une demi-année sur le plan de la réussite scolaire. Quand les enfants doivent déménager trois fois ou plus, leurs revenus futurs étaient réduits de 52 %.5
Plus près de chez nous, lors d'une enquête financée par la SCHL et menée auprès d'acheteurs de maisons construites par Habitat pour l'humanité, les participants ont indiqué des améliorations généralisées du mieux-être et du rendement scolaire de leurs enfants après avoir emménagé dans leur nouveau logement.6
Dans la même veine, une étude a récemment évalué le « rendement social » des activités d'Habitat pour l'humanité Canada. Les auteurs ont constaté divers effets positifs, dont des emplois de meilleure qualité, un recours moins fréquent aux banques alimentaires et des activités de bénévolat et d'engagement civique plus fréquentes.7 L'étude a permis de déterminer que pour chaque dollar dépensé dans le cadre des activités de l'organisme, la société en tirait pour environ quatre dollars d'avantages.
Il est donc vrai que le logement, ça compte; que c’est bien plus qu’un toit au-dessus de la tête. Lorsque nous aidons les ménages à faible revenu à accéder au logement dont ils ont besoin, nous faisons plus que simplement leur fournir un toit. Nous aidons ces familles à établir des conditions gagnantes pour leur réussite sociale et économique.
Des études nous apprennent aussi que le type d'intervention pour le logement de même que la collectivité environnante sont deux importants vecteurs de succès.8
Étant donné que les ménages n'ont pas tous les mêmes besoins et que les conditions du marché varient d'une région à l'autre, il faut recourir à toute une gamme d'interventions, y compris l’aide au loyer et l'aide à la rénovation visant à améliorer la qualité des logements. Il ne faudrait pas non plus sous-estimer l'importance du soutien offert par les familles et le milieu, de la formation, de l'éducation et des débouchés d'emploi.
Un logement de qualité ne saurait remplacer d'autres conditions de succès clés, mais il procure manifestement la stabilité nécessaire pour aspirer à de meilleures perspectives d'avenir. À défaut de quoi, il est beaucoup plus difficile pour les Canadiens vulnérables d'améliorer leur sort.
On voit bien que le logement est important au niveau micro-économique, c'est-à-dire pour les familles et les ménages. Mais le logement est tout aussi important au niveau macro-économique, donc pour la stabilité économique et financière globale du Canada.
Un secteur de l'habitation solide favorise une économie robuste, notamment en créant des emplois en construction et en rénovation pour les Canadiens, et en procurant des retombées aux industries connexes. Dans l'ensemble, les dépenses liées au logement ont contribué pour 334 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada en 2014 – soit environ un sixième du PIB. À lui seul, le secteur de la construction représente approximativement 7 % du nombre total d'emplois au pays.
Notre examen des recherches menées à l'étranger nous a confirmé que la sécurité résidentielle et les marchés de l'habitation jouent un rôle important à l'égard de la stabilité sociale et économique. C'est dire combien les logements sûrs, stables et abordables sont avantageux tant pour les locataires que pour les propriétaires-occupants.9
La littérature permet aussi de conclure que même si les politiques fiscales favorisant l'acquisition d'un logement sont populaires dans certaines économies avancées, il ne faudrait pas trop mettre l'accent sur l'accession à la propriété au détriment d'autres formes d'occupation, car la stabilité économique pourrait s'en ressentir. Entre autres choses, cela pourrait encourager l’endettement excessif, une consommation accrue aux dépens de l'épargne, et un détournement des ressources économiques et des capitaux qui ne seraient alors plus disponibles pour d'autres investissements plus avantageux pour le développement économique.
D'ailleurs, certains analystes se demandent même si un taux de propriété trop élevé pourrait contribuer à une hausse du taux de chômage, un concept connu sous le nom de « conjecture d’Oswald », en référence aux travaux de cet économiste britannique.10 L'idée, ici, est que les propriétaires-occupants sont moins susceptibles de déménager que les locataires et limiteraient donc leur recherche d'emploi à la région où ils habitent. Si c'était vrai, ce comportement pourrait entraîner une élévation des taux de chômage globaux.
Nous avons demandé à Mario Fortin, Ph. D., du Département d’économique de l'Université de Sherbrooke, de se pencher sur ce que les recherches et les données internationales nous apprennent sur le Canada. Il a constaté que les études internationales font effectivement ressortir une corrélation positive entre la propriété et les taux de chômage globaux, et que les propriétaires sont moins mobiles que les locataires.
Cela dit, d'autres données révèlent que les propriétaires ne sont pas plus susceptibles d'être sans emploi que les locataires.11 Différents facteurs peuvent expliquer cette situation. Bon nombre de conditions personnelles qui permettent aux gens d'accéder à la propriété peuvent aussi améliorer leur employabilité. Et le fait d'avoir un prêt hypothécaire à rembourser peut inciter fortement les propriétaires à demeurer sur le marché du travail.
En fin de compte, le Canada a peut-être atteint un « juste équilibre », comme Boucles d'Or dans le vieux conte pour enfants.
Donc même si le logement peut favoriser la stabilité, les problèmes qui surviennent dans le secteur de l'habitation peuvent néanmoins révéler une instabilité financière plus vaste ou, dans certains cas, être la cause de cette instabilité. L'architecture du système de financement de l'habitation de différents pays peut contribuer ou nuire à la stabilité financière de leurs marchés de l'habitation.12
L'exemple récent le plus concret nous vient des États-Unis. Durant la période qui a précédé la crise financière mondiale, le laisser-aller des standards de prêts, le fait de laisser croire à une garantie hypothécaire implicite du gouvernement, la faiblesse des mécanismes réglementaires et d'autres facteurs ont provoqué une chute des marchés de l'habitation. La situation a dégénéré en crise pour l'ensemble du système financier international.
La situation a été tout autre au Canada. Nos bonnes pratiques de souscription ainsi que la rigueur de nos lignes de conduite et de nos mécanismes de réglementation ont contribué à faire du logement une force économique plutôt qu'une source d'instabilité.13
L'effet stabilisateur de la SCHL a aussi aidé. La manière dont nous sommes structurés nous épargne les conflits d'intérêts inhérents aux modèles Fannie et Freddie. Sans craindre de perdre la confiance de nos investisseurs, nous avons continué d'offrir de l'assurance prêt hypothécaire et des programmes de titrisation durant le ralentissement économique. Ainsi, les emprunteurs admissibles ont continué d'avoir accès à un financement illimité pour acheter des maisons et construire des immeubles locatifs.
Grâce au Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés – une mesure temporaire ‒ nous avons fait en sorte, à l'époque, que les banques canadiennes puissent continuer de disposer de fonds à long terme pouvant être prêtés à des consommateurs, à des acheteurs d’habitations et à des entreprises. Ainsi, les prêteurs canadiens ont pu en grande partie éviter le problème de liquidité qui a mené à la crise des marchés de l'habitation dans d'autres pays.
Nous devons bâtir sur ce succès et ne pas présumer que la prochaine crise sera comme la dernière. Sur d'autres tribunes, j'ai parlé du travail que fait la SCHL pour consolider notre système financier.
Dans l'ensemble, le Canada jouit d'un système de logement robuste, mais certains points de pression demeurent sur notre radar.
L'abordabilité des logements est l'une de ces préoccupations. Bien que la majorité des Canadiens soit bien logée, environ 20 % des ménages n'arrivent pas à trouver sur le marché un logement répondant à leurs besoins. Et puisque le logement, ça compte, nous devons nous demander comment nous pouvons les aider de façon responsable.
Environ 12,5 % des ménages canadiens (soit un peu moins de 1,6 million au total) éprouvent des besoins impérieux en matière de logement. Ici, à Montréal, c'est 13,3 % des ménages, soit un peu plus de 200 000.
Le coût prohibitif des logements est de loin le problème le plus fréquent des ménages qui éprouvent des besoins impérieux en matière de logement, une situation que vivent près de 90 % des ménages dans le besoin.
Pire encore, les communautés des Premières Nations situées dans des réserves sont confrontées aux conditions de logement comptant parmi les plus difficiles du Canada. Le bilan de notre pays à l'égard du logement dans les réserves laisse beaucoup à désirer. Nous devons faire mieux. Et comme la population autochtone du Canada s'accroît rapidement, nous prenons du retard.