Faits saillants
- Un contexte en évolution : Au premier semestre de 2023, les ventes de logements ont diminué, ce qui a eu une incidence sur les nouveaux prêts hypothécaires.
- Le comportement des consommateurs évolue : Au Canada, les gens privilégient les durées de prêt longues et les périodes d’amortissement prolongées.
- Préoccupations liées aux dettes : Bien que les prêts hypothécaires en souffrance demeurent faibles, certains consommateurs font face à des problèmes d’endettement, surtout en ce qui concerne les prêts automobiles.
Le contexte hypothécaire résidentiel canadien évolue
Des changements importants se produisent sur le marché hypothécaire résidentiel canadien. Une baisse des ventes de logements a entraîné une décélération de la croissance des nouveaux prêts hypothécaires au premier semestre de 2023. Malgré ce ralentissement, la dette hypothécaire non remboursée a continué d’augmenter, en particulier pour les prêts hypothécaires non assurés.
Les consommateurs s’éloignent de plus en plus des durées de prêt hypothécaire courtes, signe qu’ils s’attendent de moins en moins à une baisse immédiate des taux d’intérêt. Les prêts de 3 à 5 ans sont devenus leur premier choix en ce qui concerne la durée. La prolongation de la période d’amortissement au-delà de 25 ans pour la plupart des nouveaux prêts hypothécaires est une autre tendance digne de mention. Elle indique un déplacement vers des périodes de remboursement longues.
(Musique : fondu en ouverture)
(Visuel : Le logo du Gouvernement du Canada et le logo de la SCHL apparaissent ensemble. Une série d’images illustrant des logements au Canada.)
00:00:02
CHARLES : Le rapport sur le secteur des prêts hypothécaires résidentiels est une analyse économique biannuelle du secteur des prêts hypothécaires résidentiels au Canada.
(La musique s’estompe.)
(Visuel : Deux personnes sont représentées en conversation. Ils sont assis l'un en face de l'autre à une table de réunion. Les deux personnes sont Charles Sauriol, Communications et marketing, SCHL, et Tania Bourassa-Ochoa, chercheur en logement, SCHL.)
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CHARLES : Bonjour, je m’appelle Charles Sauriol et j’ai le plaisir d’animer cette discussion sur notre dernier rapport sur le secteur des prêts hypothécaires résidentiels. Je suis accompagné aujourd’hui de Tania Bourassa-Ochoa, experte en recherche dans le secteur hypothécaire. Tania dirige ce travail à la SCHL depuis maintenant plusieurs années. Alors, Tania, on a publié notre dernier rapport en début d’année et il y a environ six mois. Et puis à ce moment-là, on disait que le crédit augmentait et le comportement des emprunteurs évoluait en raison de la hausse des taux d’intérêt. Nous voici six mois plus tard et puis avec le nouveau rapport et puis vraiment, qu’est-ce qui a changé?
00:00:52
TANIA : En fait, tout d’abord, sans surprise, avec la hausse importante des taux et la hausse très rapide des taux, ça a eu l’effet d’une douche froide sur le marché hypothécaire. On a vraiment vu la croissance de la dette ralentir de façon assez importante. Mais deuxièmement, je dirais qu’on observe des signes de pressions financières qui sont beaucoup plus notables qu’en début d’année. Et donc, on commence à ressentir que les Canadiens ont de la misère à faire certains paiements, incluant les prêts hypothécaires. Donc, pour répondre à ta question, ce qui a changé, c’est la plupart des tendances qu’on a vues en début d’année, elles sont toujours présentes, mais elles le sont vraiment plus et elles sont plus profondes aussi.
00:01:37
CHARLES : D’accord. Et puis, s’il y a un sujet qu’on voit beaucoup, c’est le sujet des renouvellements hypothécaires. Je suis convaincu que ça touche beaucoup de monde. J’ai renouvelé mon hypothèque récemment et je sais que plusieurs l’ont fait aussi, mais les chiffres que j’ai vus m’ont vraiment sauté aux yeux. On parle de près de 300 000 renouvellements dans les six premiers mois de l’année seulement. Il me semble que c’est beaucoup. Et puis comment ces gens-là, ces propriétaires-là, s’adaptent aux taux plus élevés, au bout du compte avec des paiements plus élevés, aussi? Right?
00:02:12
TANIA : Bien, effectivement. Mais le 300 000 dont tu parles, en fait, c’est juste des renouvellements du côté des banques à charte. Donc en fait, le chiffre est beaucoup plus gros et plus gros que ça, plus important. Mais en tout et pour tout, on parle d’à peu près 6 %. Donc ces gens-là, effectivement, ont renouvelé à des taux d’intérêt plus élevés, des paiements plus chers, mais on voit qu’ils essayent de changer les termes de leur prêt au moment du renouvellement pour essayer de compenser cette hausse de taux d’intérêt. Donc, par exemple, on va choisir des périodes d’amortissement plus longues, donc ça veut dire qu’on va payer plus longtemps, mais ça va nous coûter moins cher à court terme. Mais l’autre chose aussi, c’est qu’on voit que les emprunteurs vont choisir des périodes plus longues pour leur terme.
Donc je ne sais pas si tu te souviens, mais en début d’année, on voyait que les Canadiens choisissaient des « un an », « deux ans » sur leur taux, puis on sentait cette anticipation de se dire « ah, et bien les taux d’intérêt vont finir par descendre rapidement ». Là, on voit que ces espoirs-là s’effacent quand même quelque peu. Et donc on s’engage sur des termes un petit peu plus longs.
00:03:21
CHARLES : Alors, à quoi correspond exactement le montant en ce qui concerne l’augmentation des paiements hypothécaires, et pourquoi autant cette année?
00:03:30
TANIA : C’est sûr que ça va dépendre du taux d’intérêt qu’on avait avant et du taux auquel on va renouveler. Mais grosso modo, on estime à peu près entre 30 % et 40 % de paiements hypothécaires supplémentaires de plus.
00:03:44
CHARLES : Donc, on parle juste de la pointe de l’iceberg.
00:03:47
TANIA : Dans une certaine mesure, oui, parce qu’en fait déjà le tiers des Canadiens ont un taux variable en ce moment. Et donc ça veut dire que la plupart, en fait presque tous parmi entre eux, ont déjà ressenti cette hausse des taux d’intérêt dans leur « tous les jours ». Mais en fait, c’est vraiment quand on se tourne vers l’avenir que le choc de taux d’intérêt va vraiment être le plus important.
Quand on regarde en 2024, 2025, on parle de 1,5 million de prêts hypothécaires qui vont venir à échéance, et qui vont faire face au plus grand choc de taux d’intérêt. Puis, je dis le plus grand choc parce que ces gens-là ont souvent acheté à des taux d’intérêt super bas, dans les taux super bas de 1 %, 2 %. Mais aussi ils ont soit acheté ou refinancé, pardon, au moment où les prix des habitations étaient extrêmement élevés. Donc, dans ce contexte-là, il va effectivement y avoir un ressenti au niveau de la différence qu’on doit rembourser sur le prêt hypothécaire.
00:04:57
CHARLES : Et puis, si on peut parler un peu de vulnérabilité pour les contribuables, dans ce cas-ci, pour la SCHL et notre portefeuille d’assurance, est ce qu’on voit qu’il y a des résultats négatifs à cet effet-là, suite à tous ces coûts élevés?
00:05:14
TANIA : En fait, une des choses qu’on a soulignée dans le rapport, c’est la proportion importante de prêts non assurés dans le marché. Donc on dit des fois des prêts conventionnels, on va entendre beaucoup. Et comme vous le savez, l’assurance prêt hypothécaire est obligatoire au Canada pour les consommateurs ou les emprunteurs qui ont moins de 20 % de mise de fonds.
Donc, cette assurance prêt hypothécaire va vraiment venir protéger le prêteur en cas de défaut de l’emprunteur. Mais ça permet à l’emprunteur d’accéder à la propriété avec moins de 20 %, mais aussi d’avoir accès à des taux d’intérêt plus ou moins compétitifs. Et donc, quand on regarde aujourd’hui le marché, eh bien le trois quarts des prêts sont non assurés. Et c’est quand même assez intéressant, parce que quand on regarde, il y a environ dix ans, c’était tout à fait le contraire. En fait, le trois quarts des prêts hypothécaires étaient assurés. Et donc, tu vas me dire, Tania, mais qu’est ce qui explique ça?
Il y a eu une série de changements, de mesures réglementaires qui ont été mises en place, beaucoup vers le segment de l’industrie de l’assurance prêt hypothécaire et donc ça a contribué à rendre l’éligibilité plus difficile, si on veut. Mais il y a un cap aussi à 1 million. Puis là, quand on regarde le prix des habitations à Vancouver ou à Toronto, et bien, on le sait, le prix moyen est bien au-delà de ce million-là. Et donc, ça vient influencer cette tendance-là.
Bref, pour revenir à ta question, quand on tient compte du fait que la proportion des prêts assurés est à un niveau bas record, maintenant en 2023, et que la SCHL détient approximativement 6,5 % des prêts hypothécaires dans l’ensemble des prêts hypothécaires au Canada. Eh bien, je dirais que la vulnérabilité, notre vulnérabilité aux risques en est quand même beaucoup, beaucoup amoindrie. Et quand on regarde même du côté des taux de délinquance ou encore des reprises de finance, on est également à des taux historiquement bas.
00:07:34
CHARLES : Mais à l’horizon, est-ce que c’est quelque chose qu’on peut prévoir qui peut être plus problématique par contre?
00:07:43
TANIA : Je pense que c’est quelque chose qui est vraiment en général, quand on regarde l’ensemble des consommateurs canadiens. Je vous disais plus tôt qu’il y a effectivement des signes de pressions financières supplémentaires qui se sont intensifiées. C’est sûr qu’on entend beaucoup : « Ah oui, le taux de délinquance est super bas et il demeure stable. » C’est vrai, mais qu’est-ce qui se cache derrière ces chiffres?
Et donc, quand on regarde, il y a d’autres indicateurs, comme par exemple les taux de délinquance des prêts autos, des marges de crédit ou des cartes de crédit. On voit vraiment une tendance forte qui s’installe. On voit des hausses du côté des délinquances, mais aussi les délinquances de 30 à 60 jours, de 60 à 90 jours. Les gens commencent à être en retard sur leurs paiements et donc ça nous laisse sous-entendre qu’il y a de plus en plus de gens qui ont de la misère à joindre les deux bouts à la fin du mois.
00:08:40
CHARLES : Alors, regardons plutôt du côté de la vulnérabilité des consommateurs, plus précisément l’endettement des ménages. On a sorti un article plus tôt cette année qui a révélé que le Canada, au niveau de l’endettement des ménages, était le plus élevé parmi les pays du G7. C’est quoi, avec qu’est-ce qu’on sait, ce qui s’en vient à l’horizon, c’est où que ça devient une plus grande vulnérabilité pour les ménages canadiens?
00:09:13
TANIA : Bien Charles, tu as tout à fait raison, les ménages canadiens sont vraiment aux prises avec des niveaux d’endettement extrêmement élevés, sans compter les coûts de la vie qui ont augmenté énormément au cours des dernières années. Mais en plus de ça, les emprunteurs hypothécaires font face à la plus importante et la plus rapide hausse des taux d’intérêt dans les 42 dernières années. Donc, ce n’est pas rien. Et donc, on ne peut pas ignorer les pressions financières que cela est en train d’avoir sur les ménages canadiens aujourd’hui et dans les années à venir, parce qu’on a dit que le plus grand nombre de prêts qui vont venir à échéance, c’est vraiment dans les prochaines années. Donc, bien que les Canadiens vont vraiment faire tout en leur pouvoir et tout leur possible pour faire leurs paiements hypothécaires et leurs autres paiements de dette à temps, un contexte comme ça, va vraiment les exposer à des risques plus importants.
(Musique)
00:10:12
CHARLES : Oui, tout à fait. Merci beaucoup, Tania, d’avoir pris le temps de nous partager votre expertise et votre point de vue sur le marché hypothécaire canadien.
(Texte à l’écran : Abonnez-vous et restez à l'affût de nos prochaines discussions sur le marché canadien de l'habitation!)
00:10:21
CHARLES : Et merci à nos auditeurs d’aujourd’hui. Visitez le site schl.ca, pour obtenir une copie du rapport complet. Nous voulons également connaître votre opinion. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires sur le rapport et sur cette discussion. Surveillez les prochaines conversations avec nos experts du logement et abonnez-vous à notre bulletin et à notre chaîne YouTube.
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(La musique s’estompe.)
(Visuel : Le logo du Gouvernement du Canada et le logo de la SCHL apparaissent ensemble. Fondu au blanc de tous les textes et logos.)