Deux nouveaux indicateurs soulèvent des préoccupations supplémentaires sur l’abordabilité et l’offre de logement

Le 22 juin 2023

Kevin Hughes

Kevin Hughes
Économiste en chef adjoint

En tant qu'économiste en chef adjoint, Kevin Hughes fait partie d'une équipe d'économistes et de chercheurs dans le domaine du logement qui s'efforcent d’améliorer notre compréhension, au Canada, des facteurs favorables et défavorables sur les marchés de l’habitation et de leur incidence sur l’abordabilité. Kevin est aussi membre d'une équipe nationale diversifiée de chercheurs et d'analystes qui étudient les obstacles à l'offre de logements et les solutions possibles.

Toujours très attendus, les résultats de l’Enquête sur les logements locatifs de la SCHL donnent une vue complète des conditions actuelles dans ce segment du marché, qui est plus important que jamais.

En plus d’offrir ce portrait global, les résultats de l’enquête de 2022 nous ouvrent les yeux sur de nouvelles perspectives.

Grâce à des améliorations à la méthode d'enquête, nous avons une vision plus précise des enjeux futurs de l’habitation au Canada : l’accès au logement abordable et l’offre dans les années à venir.

Le marché se resserre dans de nombreux centres

Selon les résultats de l’enquête de 2022, le marché locatif se resserre et les loyers augmentent dans beaucoup de centres urbains au Canada. Cette conjoncture du marché s’explique par des dynamiques bien connues :

  • La demande s’est intensifiée, car l’immigration a recommencé à croître et les marchés de l’emploi sont vigoureux.
  • L’offre n’a pas suivi la demande, malgré une hausse de la construction.
  • Les taux d’intérêt ont augmenté, ce qui a réduit l’accès à la propriété chez de nombreux locataires.

À court terme, on pourrait s’attendre à ce que les forces du marché rétablissent un certain équilibre entre l’offre et la demande. Il faut toutefois se demander si, à elles seules, ces forces sont suffisantes en ce moment. Si le manque d’intérêt actuel des investisseurs pour le secteur du logement locatif persiste, la pénurie de logements locatifs risque de s’accentuer davantage.

Deux nouveaux indicateurs soulèvent des préoccupations supplémentaires

Pour avoir un portrait plus réaliste et approfondi des phénomènes du marché locatif au Canada, la SCHL a ajouté deux indicateurs à son enquête en 2022.

Le premier indicateur mesure la part des logements qui sont abordables pour les locataires dans le quintile (20 %) des revenus les plus faibles. Pour qu’un logement soit considéré comme abordable, son loyer doit être inférieur à 30 % du revenu avant impôt du ménage.

Ce que nous révèle cette première mesure est pour le moins préoccupant. Comme le montre la figure ci‑dessous, les ménages les moins nantis ont accès à une très faible part du parc locatif. Dans les grands centres, exception faite de Québec et de Montréal, la part du marché qui est abordable pour les ménages à faible revenu est inférieure à 5 %. Elle se chiffre à 1 % à Vancouver et est quasi nulle dans les villes de l’Ontario.

Graphique 1 : Part des logements locatifs abordables pour les 20 % de ménages ayant les revenus les plus faibles dans certaines régions métropolitaines de recensement

* Kitchener, Waterloo et Cambridge

** Données supprimées parce que l'univers est trop petit et/ou pour préserver la fiabilité des données

Source : SCHL

Version texte (Graphique 1)

  • Windsor : **
  • St. Catharines : **
  • Ottawa : **
  • Sudbury : **
  • Hamilton : **
  • KCW * : **
  • Peterborough : **
  • Kingston : **
  • Toronto : **
  • Belleville : **
  • Vancouver : 1 %
  • Victoria : 1 %
  • Halifax : 3 %
  • London : 3 %
  • Winnipeg : 4 %
  • Calgary : 5 %
  • Saskatoon : 7 %
  • Regina : 8 %
  • Gatineau : 8 %
  • Edmonton : 13 %
  • Montréal : 23 %
  • Québec : 25 %

Que l’on pense aux ménages âgés ou aux futurs ménages (vivant actuellement au Canada ou arrivant de l’étranger), les résultats sont inquiétants. Comment répondra-t-on aux besoins actuels et futurs? L’accès au logement est retardé tant pour les segments les plus vulnérables de la population que pour la relève économique (les jeunes, prêts à former un nouveau ménage).

Le deuxième indicateur nous permet de mesurer le loyer moyen des logements qui ont été loués à de nouveaux occupants dans les 12 derniers mois. Cette nouvelle statistique est très pertinente, car elle nous permet de comparer le loyer moyen des logements récemment loués à celui des unités occupées depuis plus d’un an.

Cette comparaison révèle des écarts importants entre le loyer moyen des unités occupées et celui des logements qui étaient vacants récemment. L'écart est particulièrement prononcé dans :

  • les grands centres de population;
  • les centres ayant un taux d’inoccupation relativement faible;
  • les centres où l’augmentation des loyers est assujettie à des lignes directrices.

Ces écarts sont grands dans les métropoles du Canada, ce qui est préoccupant vu le nombre de ménages visés. À Toronto et à Vancouver, centres où l’écart entre les loyers est de près de 500 $, la situation est particulièrement inquiétante. Étant donné les projections démographiques (la croissance sera forte dans les grandes villes canadiennes), l’écart est d’autant plus saisissant.

Il n’est pas étonnant non plus de découvrir que les écarts sont relativement proportionnels au resserrement du marché. En effet, la rareté des logements fait habituellement augmenter les loyers demandés aux nouveaux locataires.

Les résultats montrent aussi que l’écart est plus prononcé dans les centres où les hausses de loyer sont limitées par des lignes directrices. En plus des écarts notés à Toronto et à Vancouver, nous constatons un écart d’environ 250 $ à Montréal. Ce résultat n’est pas surprenant, car les propriétaires haussent souvent le loyer des logements vacants en tenant compte des prix actuels sur le marché. Ils profitent aussi du roulement des locataires pour inclure toutes dépenses en immobilisations (réparations et rénovations) qu’ils ont effectuées.

L’écart dans les loyers pourrait être plus important si les logements ayant récemment accueilli de nouveaux locataires étaient occupés depuis longtemps.

À Calgary et à Edmonton, où les hausses de loyer ne sont pas assujetties à des lignes directrices, l’écart moyen s’établit à 50 $.

Loyer moyen des logements de deux chambres selon la ville, 2022

Graphique 2 : Centres assujettis à des lignes directrices sur les augmentations de loyer

Sources : gouvernements provinciaux et SCHL (Enquête sur les logements locatifs de 2022)

Version texte (Graphique 2)

Centres assujettis à des lignes directrices sur les augmentations de loyer
  Logements sans roulement Logements avec roulement
Toronto 1 611 2 110
Vancouver 1 847 2 325
Ottawa - Gatineau (partie de l’Ontario) 1 520 1 831
Montréal 963 1 235
Ottawa - Gatineau (partie du Québec) 1 122 1 250

Graphique 3 : Centres non assujettis à des lignes directrices sur les augmentations de loyer

Sources : gouvernements provinciaux et SCHL (Enquête sur les logements locatifs de 2022)

Version texte (Graphique 3)

Centres non assujettis à des lignes directrices sur les augmentations de loyer
  Logements sans roulement Logements avec roulement
Calgary 1 398 1 486
Edmonton 1 270 1 297

Pour les propriétaires, le changement de locataires est l’occasion de ramener le loyer au prix courant et de tenir compte de certaines dépenses d’immobilisations (réparations et rénovations). Selon certaines opinions exprimées, les lignes directrices sur l’augmentation des loyers sont un facteur qui pourrait décourager la rénovation et la construction de logements locatifs.

Pour les locataires, cependant, la restriction des hausses de loyer est une forme d’assurance à court terme, voire à moyen terme, contre une éventuelle augmentation importante. La difficulté survient lorsque les locataires ont besoin de changer d’appartement : les gens se heurtent alors aux loyers demandés pour les logements vacants.

Deux nouvelles mesures qui reflètent la pénurie de logements

Les deux nouvelles mesures introduites par la SCHL dans son enquête améliorent notre analyse du marché locatif et notre compréhension de la pénurie de logements au Canada. Elles nous montrent aussi que pour combler les écarts, il faudra prendre en compte les perspectives à court et à long terme de tous les intervenants du marché. Donner aux ménages canadiens accès à des logements abordables tout en encourageant les investissements du secteur privé est tout un défi, mais il n’y a guère d’autres solutions.

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Date de publication: 22 juin 2023