Deuxième vague : incertitude quant à la dette des ménages

Le 10 novembre 2020

La pandémie de COVID-19 a changé le profil d’endettement des ménages, du moins pour l’instant. Le ratio de la dette au revenu est un indicateur clé de l’endettement comme source de vulnérabilité des secteurs de la finance et de l’habitation.

Le ratio de la dette au revenu des ménages a diminué dans toutes les grandes régions métropolitaines du Canada entre avril et juin. Dans des circonstances normales, une telle baisse indiquerait une amélioration générale de la capacité des ménages à rembourser leurs dettes. En effet, les transferts gouvernementaux temporaires ont efficacement soutenu les pertes de revenu. Cela a probablement contribué à réduire l’encours des dettes non hypothécaires pendant ces mois. Cependant, la dette hypothécaire des ménages a augmenté dans la plupart des régions métropolitaines, alors que l’emploi a diminué.

Depuis le début de la deuxième vague, l’incertitude quant à la capacité des ménages à continuer de rembourser leur dette hypothécaire ne fait qu’augmenter. Il est essentiel d’étudier la dynamique de l’endettement, du revenu et de l’épargne des ménages au Canada. Cela permettra d’évaluer le risque potentiel d’une hausse des cas de défaut de paiement du côté des prêts hypothécaires et d’autres produits de crédit.

Principales constatations au Canada

  • Au deuxième trimestre, la dette des ménages a diminué de 17 % par rapport au trimestre précédent, pour s’établir à 158 % du revenu disponible
  • Le ratio de la dette au revenu n’a pas beaucoup varié depuis 2016 et avoisine 175 % (voir la figure 1)
  • Le ratio de la dette hypothécaire au revenu a également baissé, passant de 115 % à 105 %
  • Cette baisse était le résultat direct d’une augmentation du revenu disponible des ménages (le niveau d’endettement est resté pratiquement le même)
  • En moyenne, le revenu disponible a augmenté de près de 11 % entre le premier trimestre et le deuxième trimestre de 2020, et de 15 % sur 12 mois (cette importante hausse du revenu a réduit le ratio de la dette au revenu des ménages, qui a touché son creux de 2010)

Une hausse temporaire des revenus a réduit l’endettement des ménages

Figure 1 – Le ratio de la dette au revenu au Canada est descendu à son creux de 2010

Sources : Statistique Canada, SCHL (calculs).

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Figure 1 – Le ratio de la dette au revenu au Canada est descendu à son creux de 2010

Canada : Ratio de la dette au revenu disponible des ménages (%, données désaisonnalisées, 1990 - 2020)
Période de référence Total des dettes Dette hypothécaire
T1 1990 86,85 56,42
T1 1991 88,76 58,44
T1 1992 93,05 62,38
T1 1993 93,18 63,56
T1 1994 95,43 65,06
T1 1995 97,69 66,53
T1 1996 99,97 67,08
T1 1997 102,98 68,09
T1 1998 106,19 68,78
T1 1999 107,69 68,81
T1 2000 109,73 68,93
T1 2001 106,07 65,57
T1 2002 109,81 67,85
T1 2003 113,18 70,02
T1 2004 120,88 74,16
T1 2005 130,39 79,01
T1 2006 133,4 81,33
T1 2007 138,38 84,33
T1 2008 148,99 91,65
T1 2009 155,49 95,91
T1 2010 157,34 97,43
T1 2011 161,27 100,68
T1 2012 163,43 103,65
T1 2013 163,31 104,17
T1 2014 165,24 106,06
T1 2015 164,58 106,22
T1 2016 175,76 114,38
T1 2017 178,52 116,76
T1 2018 176,73 115,52
T1 2019 176,7 115,07
T1 2020 175,37 115,08

Cette hausse du revenu disponible peut être attribuée aux programmes d’aide du gouvernement qui ont augmenté le revenu des Canadiens au cours du trimestre. Au 30 juin, la Prestation canadienne d’urgence avait fait augmenter le revenu des ménages d’environ 50 milliards de dollars1. Cela correspond à environ 13 % du revenu primaire des ménages pendant la même période. En données désaisonnalisées, le revenu primaire des ménages a diminué de 7,4 % au deuxième trimestre de 2020 par rapport au trimestre précédent. C’était sans compter les transferts reçus du gouvernement, des sociétés et des organismes sans but lucratif.

Nous pouvons supposer que le ratio de la dette au revenu aurait légèrement augmenté au Canada sans les mesures de soutien du revenu liées à la COVID-19.

Ratio de la dette au revenu des ménages dans les grandes RMR du Canada : différentes versions de la même histoire

La situation dans les régions métropolitaines reflète la situation à l’échelle nationale. Dans toutes les grandes régions métropolitaines de recensement (RMR), le ratio de la dette au revenu était beaucoup plus bas au deuxième trimestre de 2020. Ce chiffre est comparé à celui enregistré pour le même trimestre les années précédentes, tant pour les dettes hypothécaires que pour les dettes non hypothécaires (voir la figure 2).

Principales constatations dans les régions métropolitaines de recensement

  • C’est à Vancouver, à Victoria, à Regina et à Montréal que le ratio a le plus diminué par rapport au premier trimestre de 2020. Les trois villes ont toutes enregistré une baisse de plus de 20 points de pourcentage. Ces marchés font également partie de ceux qui ont connu une forte croissance du revenu disponible au deuxième trimestre (voir la figure 3).
  • Parmi les grandes régions métropolitaines de recensement, ce sont Calgary et Edmonton qui ont enregistré les plus faibles baisses du ratio de la dette au revenu. Cela était vrai pour les dettes hypothécaires et non hypothécaires.
  • En Alberta, la faiblesse des cours du pétrole et le confinement en raison de la COVID-19 ont réduit le revenu primaire moyen des ménages de plus de 7 % d’avril à juin. Cela exclut les transferts gouvernementaux.
  • Malgré ces baisses généralisées de la dette par rapport au revenu, les ratios de la dette au revenu de Vancouver et de Toronto (210 % et 203 %, respectivement) sont demeurés nettement supérieurs à la moyenne canadienne (158 %). Ces différences sont presque entièrement dues à la dette hypothécaire élevée. Le ratio de la dette hypothécaire au revenu s’est établi à plus de 140 % à Vancouver et à Toronto. Ces niveaux étaient bien plus élevés que la moyenne canadienne de 105 %. De plus, ces grands marchés hypothécaires ont continué d’enregistrer une croissance de la dette hypothécaire au deuxième trimestre.

Figure 2 – Toutes les grandes RMR ont enregistré une baisse importante de leur ratio de la dette au revenu au deuxième trimestre de 2020

Sources : Equifax, Statistique Canada, Conference Board du Canada, SCHL (calculs).

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Figure 2 – Toutes les grandes RMR ont enregistré une baisse importante de leur ratio de la dette au revenu au deuxième trimestre de 2020

Dette hypothécaire – Ratio de la dette au revenu des ménages (%)
  2017 Q2 2018 Q2 2019 Q2 2020 Q2
Calgary 130,47 127,00 120,98 112,55
Canada 115,54 115,25 114,30 105,31
Edmonton 113,89 110,34 111,12 105,06
Halifax 100,41 97,23 92,21 82,22
Hamilton 116,92 121,65 122,06 112,88
Montréal 109,48 107,08 106,31 95,15
Ottawa-Gatineau 108,41 102,69 100,23 90,03
Québec 88,22 85,81 85,68 77,58
Regina 115,64 120,70 114,91 100,42
Saskatoon 107,37 112,97 107,81 91,60
Toronto 145,23 149,06 148,24 141,05
Vancouver 170,59 174,72 168,17 152,84
Victoria 124,41 128,68 125,71 109,61
Winnipeg 90,86 90,52 89,11 77,91
Dette autre qu’hypothécaire – Ratio de la dette au revenu des ménages (%)
  2017 Q2 2018 Q2 2019 Q2 2020 Q2
Calgary 61,40 62,52 61,25 55,95
Canada 61,32 61,66 61,20 52,89
Edmonton 61,66 61,72 62,94 57,86
Halifax 69,51 66,94 63,98 54,25
Hamilton 60,28 63,30 63,97 54,16
Montréal 56,24 56,58 55,14 45,77
Ottawa-Gatineau 56,90 56,27 55,93 46,84
Québec 52,63 52,31 51,74 43,85
Regina 56,23 58,00 55,60 47,85
Saskatoon 57,72 58,64 56,69 47,32
Toronto 65,52 68,71 69,61 61,48
Vancouver 65,40 68,46 66,75 57,25
Victoria 52,32 52,40 51,32 41,76
Winnipeg 50,31 49,83 48,18 39,56

Figure 3 – La hausse des revenus fait baisser les ratios de la dette au revenu (du 1er au 2e trimestre de 2020)

N.B. : La taille des bulles représente le nombre de personnes ayant recours au crédit. Les bulles vertes représentent les RMR ayant enregistré les baisses les plus marquées de leur ratio de la dette au revenu. Sources : Equifax, Statistique Canada, SCHL (calculs).

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Figure 3 – La hausse des revenus fait baisser les ratios de la dette au revenu (du 1er au 2e trimestre de 2020)

  Croissance du revenu disponible (du 1er au 2e trimestre de 2020) Variation du ratio de la dette au revenu (points de pourcentage)
Calgary 7 % -13,62
Edmonton 8 % -14,19
Halifax 13 % -18,26
Hamilton 11 % -17,44
Montréal 14 % -20,10
Ottawa-Gatineau 12 % -17,56
Québec 13 % -15,86
Regina 13 % -20,54
Saskatoon 12 % -19,16
Toronto 9 % -16,35
Vancouver 12 % -24,37
Victoria 14 % -21,02
Winnipeg 13 % -16,41

L’excédent d’épargne des ménages constitue un important coussin financier, dans un contexte d’incertitude persistante.

Cette augmentation temporaire du revenu a permis aux ménages d’accumuler des économies. En raison d’une réduction des dépenses, le taux d’épargne nette des ménages est monté à 28,2 % (figure 4). Pour mettre ce chiffre en contexte, le taux d’épargne moyen est de 3,7 % depuis la crise financière mondiale. Les ménages canadiens ont économisé près de 100 milliards de dollars au deuxième trimestre de 20202, soit environ 10 fois plus qu’avant la pandémie de COVID-19. L’épargne excédentaire découlant des transferts gouvernementaux et la diminution des dépenses pourraient constituer un important coussin financier pour les ménages au troisième trimestre.

Figure 4 – L’épargne nette des ménages est montée en flèche au deuxième trimestre en raison d’une augmentation du revenu et d’une réduction des dépenses

Source : Statistique Canada

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Figure 4 – L’épargne nette des ménages est montée en flèche au deuxième trimestre en raison d’une augmentation du revenu et d’une réduction des dépenses

Revenu et dépenses des ménages (G$)
Revenu primaire des ménages moins les transferts courants payés (gauche) Transferts des administrations publiques (gauche) Tous les autres transferts (gauche) Taux d’épargne des ménages (%, droite) Moins : dépenses de consommation finale des ménages (gauche) Moins : variation des droits à pension (gauche)
T1 2000 431 98 35 4,6 -575,54 -37,58
T3 2000 455 95 37 4,7 -595,83 -37,23
T1 2001 469 104 42 6,5 -606,38 -31,97
T3 2001 473 101 45 4,8 -616,47 -27,38
T1 2002 489 104 42 5,2 -634,58 -33,05
T3 2002 500 105 43 2,7 -656,67 -26,82
T1 2003 511 107 45 2,5 -672,94 -26,18
T3 2003 509 109 44 1,2 -687,10 -33,42
T1 2004 520 111 47 1,8 -700,76 -34,89
T3 2004 542 112 49 2,6 -717,07 -33,03
T1 2005 542 113 49 0,4 -738,36 -36,99
T3 2005 559 118 48 2,1 -757,54 -48,11
T1 2006 574 131 56 3,1 -779,14 -42,48
T3 2006 599 126 57 2,8 -799,50 -40,40
T1 2007 625 128 59 4,5 -821,21 -45,70
T3 2007 616 138 61 1,3 -846,58 -42,75
T1 2008 636 148 60 2,5 -873,30 -50,36
T3 2008 670 142 62 3,1 -888,47 -41,09
T1 2009 658 148 64 4,6 -866,32 -36,30
T3 2009 669 157 65 4,8 -886,43 -38,49
T1 2010 699 158 69 5,4 -911,51 -36,36
T3 2010 697 160 71 3,8 -930,73 -37,65
T1 2011 718 162 71 4,5 -952,56 -45,13
T3 2011 726 164 73 4,3 -970,66 -49,12
T1 2012 744 168 78 4,7 -989,67 -46,91
T3 2012 761 168 79 5,4 -1000,46 -47,80
T1 2013 780 174 82 5,8 -1021,02 -44,56
T3 2013 790 176 82 4,8 -1044,83 -46,68
T1 2014 804 176 87 4,3 -1065,68 -43,62
T3 2014 823 180 88 3,8 -1093,19 -43,60
T1 2015 842 189 92 5,6 -1105,26 -44,20
T3 2015 844 193 99 4,1 -1129,57 -41,65
T1 2016 813 196 102 0,9 -1141,18 -40,89
T3 2016 829 205 106 2,3 -1156,13 -42,98
T1 2017 837 210 107 0,7 -1187,04 -41,48
T3 2017 884 214 107 3,1 -1212,88 -44,66
T1 2018 894 217 109 2 -1241,28 -45,40
T3 2018 900 223 113 1,3 -1262,96 -43,28
T1 2019 921 229 115 2,3 -1279,84 -43,23
T3 2019 947 231 117 3 -1301,22 -45,97
T1 2020 953 254 123 7,6 -1274,72 -45,72

L’augmentation du taux d’épargne pourrait indiquer que les ménages sont de plus en plus préoccupés par la reprise économique et leurs perspectives de revenu. Une partie de la réduction des dépenses est attribuable à l’impossibilité pour les consommateurs de dépenser, p. ex., fermetures d’entreprises et restrictions à la mobilité. C’est particulièrement le cas pour les dépenses liées aux services. Ce taux d’épargne historiquement élevé s’explique aussi par le refus des consommateurs de dépenser en raison de l’incertitude face à l’avenir. Les restrictions seront levées lorsque la situation épidémiologique s’améliorera, mais l’incertitude persistera probablement, ce qui réduira la demande des consommateurs à long terme.

Au deuxième trimestre, le niveau d’endettement des ménages n’avait pas encore énormément changé. Cependant, en raison de l’incertitude croissante, l’absence de demande pourrait influer sur la vitesse de la reprise économique et donc modifier le profil d’endettement et de revenu des ménages au cours des prochains mois.

À propos des mémoires analytiques de la SCHL

Cette analyse fait partie de notre nouvelle série portant sur divers sujets de recherche. Nous vous informerons des plus récentes tendances du marché de l’habitation et des modèles et symptômes touchant les données lorsque vous en aurez besoin. Vous pouvez utiliser ces informations pour influencer votre prise de décisions de manière à accélérer vos efforts pour accroître l’abordabilité.

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Notes de bas de page

  • La valeur totale des prestations versées au titre de la PCU est publiée par le gouvernement du Canada.
  • Source : Tableau : 36-10-0112-01, Statistique Canada.

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Date de publication: 10 novembre 2020