Comment l’offre de logements à vendre
et à louer à Montréal a-t-elle été affectée par la COVID-19?
La
pandémie de COVID-19 est venue bouleverser la vie et les habitudes de millions
de personnes partout dans le monde au cours des derniers mois. Elle a touché
des milliers de Québécois et de Montréalais.
Parmi
ces impacts, la fermeture des frontières a fait chuter le tourisme
international. Elle a également fait diminuer le nombre de personnes venant
s’établir de manière permanente (immigrants) ou temporaire (résidents non
permanents) au Québec. Les études universitaires de milliers d’étudiants locaux
et internationaux ont aussi été chamboulées, bon nombre de cours se faisant
maintenant à distance.
Devant
ces circonstances hors du commun, il devient intéressant d'examiner l'évolution
récente du marché immobilier montréalais, plus particulièrement dans les secteurs
où l’on retrouve généralement une concentration importante de logements en
location à court terme et/ou d’étudiants.
Par
exemple, une augmentation du nombre de logements à vendre ou à louer pourrait
faire croître l’offre pour les ménages montréalais et diminuer la pression sur
les prix et les loyers. Une telle hausse de l’offre et ses impacts pourraient
aussi varier entre les différents secteurs géographiques et les types
d’habitations (achat ou location) dans le Grand Montréal.
Ainsi,
si la situation actuelle devait perdurer, l’analyse des plus récentes données
nous permet d’établir dans quel sens pourrait évoluer le marché au cours des
prochains trimestres.
Voici
les questions auxquelles nous tenterons de répondre :
- Comment
le nombre de copropriétés à vendre a-t-il évolué au cours des derniers mois à
Montréal? Certains secteurs se démarquent-ils? Remarque-t-on une plus grande
présence d’investisseurs qui désirent vendre leurs unités sur le marché?
- Y
a-t-il eu plus de logements offerts en location à Montréal au cours des
derniers mois? Est-ce que certains secteurs se démarquent à cet égard?
Les
réponses à ces questions pourront nous aider à mieux comprendre le marché
immobilier montréalais en ces temps de pandémie. Ultimement, elles montreront
comment l’abordabilité des logements à vendre ou à louer pourrait évoluer dans
certains secteurs du Grand Montréal.
La proportion des nouvelles
inscriptions de copropriétés provenant d’investisseurs ne semble pas plus
importante en ce temps de pandémie
De
janvier à mars 2020, avant la crise, les nouvelles inscriptions de copropriétés
suivaient la tendance lourde des derniers trimestres et étaient en baisse1 dans tous les grands secteurs de la
région métropolitaine de recensement de Montréal2.
Sans
surprise, en avril et durant une partie du mois de mai, le confinement et les
mesures sanitaires instaurées à ce moment-là ont considérablement fait diminuer
l’activité sur le marché résidentiel de l’ensemble du territoire métropolitain.
C’est
une tout autre histoire pour juin, mois où le nombre de nouvelles inscriptions
de copropriétés a beaucoup augmenté dans plusieurs secteurs de la grande région
de Montréal.
Il
est probable qu’une partie de ces hausses s’expliquent par le fait que les
vendeurs étaient en mode rattrapage. En effet, les vendeurs qui auraient
normalement mis en vente leurs propriétés en avril ou en mai ont remis ce
projet aux mois subséquents, étant donné les circonstances exceptionnelles.
Le
tableau 1 indique, pour plusieurs secteurs de la métropole, les nouvelles
inscriptions de copropriétés à deux périodes, soit de janvier à mars et d’avril
à août.
Tableau 1 : Nouvelles inscriptions CentrisMD de copropriétés dans plusieurs secteurs géographiques* de la RMR de Montréal
Secteurs géographiques |
Janvier à mars 2019 |
Janvier à mars 2020 |
Variation (en %) |
Avril à août 2019 |
Avril à août 2020 |
Variation (en %) |
RMR de Montréal |
7 334 |
6 214 |
-15 |
8 985 |
10 371 |
15 |
Banlieue |
3 318 |
2 881 |
-13 |
3 719 |
3 873 |
4 |
Île de Montréal sans la ville de Montréal |
286 |
255 |
-11 |
439 |
533 |
21 |
Ville de Montréal |
3 730 |
3 078 |
-17 |
4 827 |
5 965 |
24 |
Ahuntsic-Cartierville |
188 |
141 |
-25 |
210 |
282 |
34 |
Anjou |
85 |
47 |
-45 |
68 |
64 |
-6 |
Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce |
224 |
200 |
-11 |
376 |
339 |
-10 |
Lachine |
169 |
93 |
-45 |
138 |
131 |
-5 |
LaSalle |
131 |
109 |
-17 |
140 |
192 |
37 |
Le Plateau-Mont-Royal |
290 |
289 |
0 |
409 |
504 |
23 |
Le Sud-Ouest |
340 |
319 |
-6 |
415 |
737 |
78 |
Griffintown |
120 |
150 |
25 |
147 |
355 |
141 |
Pointe-Saint-Charles |
70 |
42 |
-40 |
90 |
122 |
36 |
Saint-Henri/Petite-Bourgogne |
115 |
99 |
-14 |
124 |
189 |
52 |
Saint-Paul/Émard |
35 |
28 |
-20 |
54 |
71 |
31 |
L'île Bizard/Sainte-Geneviève |
12 |
19 |
58 |
19 |
10 |
-47 |
Mercier/Hochelaga-Maisonneuve |
264 |
219 |
-17 |
333 |
460 |
38 |
Montréal-Nord |
49 |
36 |
-27 |
52 |
61 |
17 |
Outremont |
70 |
46 |
-34 |
91 |
129 |
42 |
Pierrefonds-Roxboro |
88 |
60 |
-32 |
141 |
66 |
-53 |
Rivières-des-Prairies/Pointe-aux-Trembles |
212 |
160 |
-25 |
203 |
226 |
11 |
Rosemont/La Petite-Patrie |
267 |
221 |
-17 |
337 |
467 |
39 |
Saint-Laurent |
198 |
140 |
-29 |
269 |
274 |
2 |
Saint-Léonard |
42 |
29 |
-31 |
37 |
77 |
108 |
Verdun (incluant L'Île-des-Sœurs) |
228 |
183 |
-20 |
309 |
382 |
24 |
Ville-Marie |
754 |
677 |
-10 |
1 146 |
1 334 |
16 |
Centre |
215 |
249 |
16 |
322 |
450 |
40 |
Centre-Ouest |
188 |
139 |
-26 |
317 |
279 |
-12 |
Cité du Havre |
10 |
15 |
50 |
16 |
11 |
-31 |
Cité du Multimédia |
48 |
48 |
0 |
61 |
102 |
67 |
Mille carré doré |
147 |
117 |
-20 |
222 |
255 |
15 |
Vieux-Montréal |
98 |
62 |
-37 |
121 |
152 |
26 |
Village |
48 |
47 |
-2 |
87 |
85 |
-2 |
Villeray/Saint-Michel/Parc-Extension |
119 |
90 |
-24 |
134 |
230 |
72 |
*Définitions des secteurs géographiques provenant de l'APCIQ, à l'exception de la banlieue et de l'île de Montréal sans la ville de Montréal.
Source : ACPIQ par le système CentrisMD, calculs de la SCHL.
Comme
le tableau 1 le démontre, entre janvier et mars 2020, la vaste majorité des
secteurs accusaient un recul du nombre de copropriétés à vendre. La zone de
Griffintown, dans l’arrondissement du Sud-Ouest, et le cœur de l’arrondissement
de Ville-Marie3 affichaient par contre des gains de quelques dizaines d’unités.
Le
portrait est très différent pour les mois d’avril à août, période où la plupart
des secteurs ont connu une hausse du nombre de nouvelles inscriptions. Le
phénomène était plus présent sur l’île de Montréal qu’en banlieue. Dans la zone
de Griffintown, la quantité de copropriétés offertes a plus que doublé par
rapport à la même période l’an passé. Certaines zones de l’arrondissement de
Ville-Marie et certains autres arrondissements enregistraient eux aussi des
hausses importantes.
Les
secteurs centraux de Montréal ne sont pas les seuls à avoir connu une forte
augmentation du nombre de copropriétés à vendre. L’offre a aussi augmenté dans
les centres-villes d’autres grandes villes canadiennes, comme Toronto et
Vancouver.
Il
est malheureusement impossible de connaître avec précision les raisons qui ont
incité les propriétaires à mettre ces unités en vente sur le marché. En plus
des changements au niveau personnel ou professionnel qui peuvent normalement
mener à une telle décision, tous les bouleversements reliés au contexte actuel
(télétravail, confinement…) ont probablement aussi joué un rôle.
Dans
le cas plus précis de Montréal, étant donné que Griffintown et le cœur de
l’arrondissement de Ville-Marie sont des secteurs ayant une forte concentration
de logements offerts en location à court terme, mais aussi regorgeant
d’étudiants locaux et internationaux4,
une question vient immédiatement à l’esprit. Serait-ce possible que des
investisseurs, c'est-à-dire des personnes qui n’utilisent pas leurs
copropriétés comme résidence principale, aient décidé de vendre leurs unités
sur le marché étant donné la situation actuelle?
En
explorant les données tirées de l’évaluation foncière (voir la méthodologie),
nous avons été en mesure d’estimer la proportion des copropriétés mises en
vente par des investisseurs depuis le début de la pandémie. L’analyse présentée
dans ce rapport porte d’ailleurs uniquement sur le secteur qui a connu la plus
forte progression de l’offre au cours des derniers mois, soit Griffintown.
Ainsi,
d’avril à août 2020, environ 30 % des nouvelles inscriptions de copropriétés
sur le marché de la revente provenaient d’investisseurs dans le secteur de
Griffintown. Cette proportion peut paraître élevée à première vue, mais les
données d’avril à août 2019 indiquent que ce pourcentage oscillait aussi autour
de 30 %.
Un Marché sous la loupe publié en 2016 suivant5 la même
méthodologie avait aussi montré qu’environ le tiers des copropriétés
appartenaient à des investisseurs dans le secteur de Griffintown.
La
proportion de ventes provenant d’investisseurs au cours des derniers mois n’est
donc pas différente de ce qui a été observé par le passé6. Cela ne
signifie pas que des investisseurs à Griffintown n’ont pas récemment mis en
vente leurs copropriétés sur le marché à cause des bouleversements créés par la
pandémie.
C’est
plutôt signe que les investisseurs, même dans ce contexte de pandémie, ne
jouent pas un rôle plus important que par le passé dans les nouvelles
inscriptions. Autrement dit, la forte augmentation du nombre de copropriétés à
vendre à Griffintown est autant causée par des investisseurs que par des
ménages propriétaires qui vivent dans ce secteur et qui ont décidé de se
départir de leur unité.
Nous
avons voulu explorer, à partir des données du registre foncier, les secteurs de
la ville de Montréal d’où provenaient les personnes7 ayant
acheté une maison unifamiliale en banlieue entre janvier et septembre 2020, car
il pourrait s’agir de personnes qui ont décidé de quitter la métropole.
De
tous les sous-secteurs de la ville de Montréal, c’est au cœur de Griffintown
(ainsi que dans les parties adjacentes de l’arrondissement de Ville-Marie8,9) que
l’on observait la plus forte progression de ce type de transactions entre 2019
et 202010.
Cette hausse était d’ailleurs plus prononcée pour les mois de juin à septembre.
Les
données de ces nouveaux acheteurs ayant quitté ces secteurs centraux de
Montréal pour acquérir une maison unifamiliale en banlieue indiquent aussi que
la vaste majorité d’entre eux habitaient auparavant une copropriété11. Il est
possible que dans la situation actuelle, l’attrait de la banlieue soit devenu
plus important, ce qui a pu entraîner une hausse des nouvelles inscriptions de
copropriétés à vendre. Étant donné le temps qui peut s’écouler entre une
nouvelle inscription de copropriété sur le marché, sa vente et la conclusion de
la transaction chez le notaire, il faudra encore attendre quelques mois avant
de pouvoir vérifier cette hypothèse.
Nous
suivrons avec grand intérêt l’évolution des nouvelles inscriptions au cours des
prochains mois afin de mieux comprendre quelle orientation pourrait prendre le
marché des copropriétés en ces temps de pandémie.
Plus de logements offerts en location
à long terme dans les secteurs plus centraux de Montréal
Dans
la section précédente, il a été établi que les secteurs plus centraux de la
ville de Montréal avaient connu une augmentation soutenue du nombre de
copropriétés à vendre. Qu’en est-il maintenant du nombre de logements12 offerts
en location à long terme sur le marché?
Un
des défis importants pour répondre à cette question est qu’il n’existe pas
présentement une base à haute fréquence13 qui contiendrait, sur un horizon de plusieurs années, des données sur
l’ensemble des logements locatifs offerts dans la métropole.
La
base de données CentrisMD contient le nombre de logements locatifs
offerts sur le territoire de la métropole depuis plusieurs années, ce qui
permet de mieux mesurer l’évolution au fil du temps. Les logements locatifs
peuvent être annoncés sur plusieurs plateformes autres que CentrisMD,
ce qui signifie que ce système reflète seulement une partie de l’activité sur
le marché.
La
proportion de logements à louer offerts sur CentrisMD par rapport à
l’ensemble des plateformes peut aussi varier d’une année à l’autre – un
autre facteur qui pourrait biaiser notre lecture de l’évolution du nombre de
logements à louer au cours des dernières années.
Malgré
ces limites liées aux données, nous examinons la quantité de logements offerts
en location à long terme sur le système CentrisMD depuis quelques
années dans plusieurs secteurs de Montréal, et plus particulièrement en ces
temps de pandémie.
À
cette fin, les données de la figure 1 montrent le nombre de logements
nouvellement offerts sur le réseau CentrisMD entre avril et août
202014 et durant ces mêmes mois au cours des dernières années dans la RMR de Montréal.